TIME MACHINE INTERVIEW with the JIM JONES REVUE !

 

Note : Voici une interview que j'ai pu réalisé avec l'aide de Radio Campus Angers, la radio étudiante qui me permet depuis 2008 de partager encore plus de musique avec mes deux émissions MellowYellow! (pop-folk-country-blues) et BangBangRock&Roll!, diffusés le mardi entre 19h et 21h. Pour écouter les émissions en direct, retrouvez les podcasts et les playlists ou tout simplement en savoir plus sur Radio Campus Angers, rendez-vous sur nos pages Facebook ou sur le site officiel : http://www.radiocampusangers.com

Le temps est lourd et le Chabada est plein de décharges électriques lorsque je débarque, mercredi, alors que The Jim Jones Revue effectue ses balances. La sueur leur coule du front et il est temps de faire une pause thé pour le chanteur Jim Jones et son guitariste Rupert Orton, deux anglais élégants qui s’effondrent dans leur loge.

Leur tournée a commencé en janvier, ça fait cinq mois qu’ils sont sur la route et c’est la dernière date, ce soir, à Angers. Rien de spécial n’est prévue pour fêter l’événement, si ce n’est envoyer la sauce, comme d’habitude. « Et boire jusqu’à ce qu’on s’effondre » précise Rupert, qui tourne pour l’instant à la tisane.

Après avoir participé aux prémices de la scène rock alternative avec le groupe Thee Hypnotics, entre 1989 et 1994, après avoir accompagné les Black Moses pendant un bout de route, Jim rencontre Rupert en 2007 et décide de se lancer dans cette nouvelle aventure. Tout commence en France, où le groupe connaît son premier succès d’estime en enchaînant les festivals. Depuis, déjà deux albums sont parus, ainsi qu’une compilation de singles et une collaboration avec Jim Sclavunos, producteur de Nick Cave et proche de Sonic Youth. Un bon début pour un groupe d’acharnés, qui travaillent sans répit pour raviver la flamme rock and roll originelle en la mêlant à des influences punk rock. Avec un chanteur à la voix digne de Howlin’ Wolf, des guitares saturés, un batteur fou furieux et un pianiste qui n’a rien à envier à Jerry Lee Lewis, la formation assure forcément le spectacle autant sur disque que sur scène.

En attendant de voir ce que ça donne face au public angevin, j’ai donc pu partager le thé avec le duo formateur. Ensemble, on a remonté le temps pour revenir aux origines. Un entretien qui, à l’image du groupe, convoque les fantômes d’Elvis et de Little Richard tout en évoquant Gun Club, Ramones et les Stooges.

BBR&R : 1956. Elvis chante “Hound Dog” à la television, Jerry Lee Lewis enregistre de nouveaux tubes aux Sun Studios, Chuck Berry figure en bonne place au Bilboard Top 100 et Muddy Waters va débarquer au Royaume-Uni. Imaginez être téléporté à cette époque et devenir vous aussi des pionniers du rock and roll. Qu’aurez été votre contribution ?

Rupert Orton (guitare) : J’ai du mal à me projeter parce que tu vois, j’ai dans la tête tout ce qui est arrivé après les années cinquante et si on se pointait en 1956, on aurait pas toute l’influence des années suivantes et ce serait dommage. En tout cas à l’époque, l’ambiance devait être juste formidable ! Avoir la chance de voir Little Richard sur scène en 1956, ça devait être comme voir un alien débarquer !

Jim Jones : Ouais d’ailleurs, je pense que si on débarquait en 1956, on passerait plus de temps à aller voir des concerts qu’à en faire. On serait dans la foule, en plein délire !

BBR&R : Et si vous n’aviez le temps de voir qu’un seul groupe, ce serait lequel ?

Rupert Orton : Parmi tous ceux que t’a mentionné ? Putain, dur…

Jim Jones : Little Richard.

Rupert Orton : Probablement Elvis, j’imagine…

 

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BBR&R : En parlant d’Elvis, on va sauter jusqu’en 1976, un an avant sa mort. La scène rock vieillit et au moins de juillet, à Londres, les Ramones jouent à guichets fermés. Juste après le concert, les membres des Clash et des Sex Pistols viennent taper à la porte de leurs loges pour les rencontrer. Vous étiez encore jeune mais est-ce que le mouvement punk vous a marqué, est-ce que c’était l’une de vos premières influences ?

Rupert Orton : Oui, carrément. Les Ramones sont l’un des premiers groupes que j’ai vu. Pas dès 1976, j’étais trop jeune, mais plus tard. Ils m’ont beaucoup marqués et je suis retourné les voir le plus de fois possible ensuite.

Jim Jones : Ma première influence, ce fut directement le rock and roll. Elvis, Little Richard, c’est en les écoutant que je me suis dit pour la première fois que j’aimais la musique.

 

BBR&R : 1994. Jim, tu es le chanteur du groupe Thee Hypnotics qui se sépare après trois albums. Tu fais alors partie de la scène garage alternative avec, par exemple, le Jon Spencer Blues Explosion. Tu peux nous en dire plus sur cette expérience ?

Jim Jones : 1994. Je suis même pas sûr si je m’en souviens vraiment, ça remonte à loin. Thee Hypnotics, c’était toute ma vie à l’époque. J’étais seulement un adolescent et l’instant d’après, me voilà dans un groupe en tournée. J’ai tout appris sur la route, lors des concerts, c’était mes années d’apprentissage. Parfois c’était génial, parfois c’était à chier, c’était tout à la fois. C’était la seule chose que je connaissais : faire de la musique.

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BBR&R : Nous voilà donc en 2011. The Jim Jones Revue a publié deux albums dont le dernier en date, « Burning Your House Down » a été produit par Jim Sclavunos (Nick Cave & The Bad Seeds, Grinderman, Sonic Youth). J’imagine que c’est vraiment deux expériences différentes d’enregistrer en studio et de jouer sur scène ?

Jim Jones : Le studio et la scène, c’est deux animaux qu’il faut approcher différemment, qu’il faut savoir dompter. Quand t’enregistres, tu capture une performance mais quand tu es sur scène, les gens écoutent avec leurs yeux, tu dois te donner encore plus à fond. Devant un public, tu vois directement leur réaction, ce qui fonctionne, ce qui fonctionne pas. En studio, tu essaye de capturer quelque chose qui pourrait saisir leur imagination.

Rupert Orton : On enregistre live donc au final, c’est essentiellement le même son. N’empêche qu’on se lâche plus en public.

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BBR&R : Parlons du futur. Si vous vous projetez, vous atterrissez où ? Toujours sur scène, toujours la même bonne vieille formule ?

Jim Jones : Pour l’instant, on pense surtout aux vacances. On est sur la route depuis cinq mois, c’est notre dernière date ce soir et après, on sera en vacances. Histoire de recharger nos batteries avant d’écrire un nouvel album. Ce sera le troisième en quatre ans et c’est bien de bosser à ce rythme là, d’aller à toute vitesse et de voir ce qui se passe. Je suis très excité de voir ce que ça va donner en tout cas.

Rupert Orton : Et on retourne sur la route cet été, on fait plusieurs festivals. Rock En Seine, Guitare en Scène. On va y jouer avec nos héros, les MC5 et les Stooges. Et puis si tout va bien, le nouvel album sortira début 2012.

Jim Jones : Pour l’instant, on se projette pas plus loin que ça…

BBR&R : Parmi vos héros, il y a aussi Jerry Lee Lewis et Chuck Berry, qui sont encore vivants. Ca donnerait quoi si vous pouviez partager la scène avec eux ?

Rupert Orton : On a failli jouer avec Chuck Berry ! C’était y a pas longtemps, ce devait être une tournée entière en sa compagnie, mais putain, il a annulé à la dernière minute. On était fous de joie alors imagine un peu la déception…

Jim Jones : Faudrait qu’on demande à Jerry Lee Lewis mais il est plus aussi bon…

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BBR&R : Et un groupe ou artiste actuel avec lequel vous aimeriez collaborer ?

Jim Jones : Jack White, André 3000…

Rupert Orton : Jon Spencer.

Jim Jones : Jon Spencer, bien sûr. On a déjà parlé de tourner avec lui mais on arrive pas à trouver le bon timing, on est tous les deux très occupés.

Rupert Orton : Josh Homme !

Jim Jones : Et Tom Waits. Ce serait juste génial de pouvoir faire n’importe quoi avec lui, rien que rester dans son ombre, pouvoir l’approcher. En tout cas, j’aimerais bien collaborer avec quelqu’un d’autre, pour écrire, pour la production. Tout est possible.

Rupert Orton : Et c’est aussi très sympa de bosser avec de jeunes groupes.

Jim Jones : Y a un français que j’aime beaucoup, c’est Don Cavalli. Faut écouter Don Cavalli, sérieusement.

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BBR&R : Jim, tu as un voix géniale. Tu parlais de Tom Waits, tout à l’heure, mais on pense aussi à Howlin’ Wolf quand on t’entends hurler. D’après toi, c’est quoi la plus grande voix du rock and roll ? C’est quoi la première vois qui t’a donné envie de chanter ?

Jim Jones : Little Richard, probablement. Il y a tout dans cette voix.

Rupert Orton : Elvis a une putain de voix aussi. Et puis Otis Redding.

Jim Jones : Avant de commencer à chanter, j’ai beaucoup joué de guitare. Et puis après, j’ai fini par gueule par-dessus mes albums des Stooges !

BBR&R : Donc nous, on a une émission de radio et toutes les semaines, on met en avant un album culte, oublié ou qui fait l’actualité. Et on aimerait bien que vous choisissiez pour nous celui de la prochaine émission.

Rupert Orton : « Fire Of Love » des Gun Club. J’ai toujours adore cet album parce que c’est le meilleur mélange possible entre blues et punk-rock. Et moi, je connaissais rien au blues avant d’écouter Gun Club, ils m’ont vraiment ouvert tout un monde : Son House, Robert Johnson.

Jim Jones : Pareil pour moi. Je me souviens que « Jack On Fire » est la première chanson de Gun Club que j’ai entendu. C’est marrant parce qu’on se connait pas depuis si longtemps Rupert et moi mais on a découvert qu’on écoutait exactement la même chose quand on était ados. On allait voir les mêmes concerts.

BBR&R : Un peu comme Mick Jagger et Keith Richards qui se rencontrent dans un bus et découvrent qu’ils sont tous les deux fans de Muddy Waters…

Jim Jones : Voilà ! Moi, j’habitais à quelques kilomètres de Londres et avec un pote, on achetait un fanzine qui faisait toujours sa une avec Gun Club, c’est comme ça que j’ai découvert le groupe. Probablement l’un de mes groupes favoris, encore aujourd’hui.

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BBR&R : Comment se fait-il que le blues, qui est à l’origine une musique américaine, a eu autant d’influence sur la scène britannique depuis les années soixante ?

Jim Jones : Quand t’es jeune, tu te dis pas direct que tu veux écouter de la vieille musique, des trucs poussiéreux comme le Blues du Delta. Mais tu tombes sur un groupe comme les Stones ou Gun Club qui réinterprète ce son là et ça t’ouvre les portes. Tu te dis « tiens, d’où ça vient tous ces accords ? » et tu remontes à Chuck Berry, Slim Harpo, Robert Johnson, jusqu’à l’origine de la source.

BBR&R : Et vous pourriez être, vous aussi, une porte d’entrée vers les origines du rock and roll. Peut-être qu’après le concert de ce soir, des jeunes vont découvrir Little Richard et Jerry Lee Lewis…

Jim Jones : Je l’espère, sincèrement. Si on peut permettre à une ou deux personnes de découvrir d’autres groupes, on aura accompli notre mission.

Rupert Orton : Si tu prends du plaisir à la faire, tu vas forcément inspirer quelqu’un. Quand es Ramones ont fait leur première tournée aux Etats-Unis, ils ont enchaînés toutes les villes et y avait jamais grand monde dans la salle. Mais dans chaque ville où ils foutaient les pieds, un groupe allait naître. Les Dead Kennedys, Black Flag, par exemple. C’est le pouvoir de la musique et on est heureux de pouvoir participer à ça…

Une poignée de main vigoureuse et les deux acolytes partent découvrir la cuisine du Chabada. Histoire de bien charger la batterie avant de tout faire exploser ce soir, sur scène, lors d’un concert d’anthologie. Angers n’avait pas connu de moment aussi rock and roll depuis bien longtemps et malgré un public majoritairement statique, Jim Jones et sa troupe auront marqués les esprits et peut-être même inspiré des vocations.

Mardi prochain, à partir de 21h, BangBang Rock&Roll vous proposera une émission consacrée à tous les groupes évoqués par Jim et Rupert dans cet entretien. On commencera avec un compte rendu de leur concert, puis on remontera à la source en partant de Gun Club pour aller jusqu’à Robert Johnson, en passant par les Stooges, le Jon Spencer Blues Explosion et Elvis, bien entendu.