2011, quatre semaines plus tard.
Janvier, c'était d'abord deux semaines d'examens. Deux semaines à se lever à six heures du matin, à écrire son nom en haut d'une feuille pour ensuite être incapable de la remplir, s'en vouloir un peu mais pas trop, s'isoler et passer ses soirées tout seul dans le noir, fumer plus que d'habitude, oublier ses bonnes résolutions très rapidement, penser déjà au printemps.
Janvier, c'était aussi deux semaines post-examens. Deux semaines pour se remettre dans le bain, reprendre à reculons le chemin des cours tout en disant que c'est la dernière fois que je dois aller à l'école, s'isoler et passer ses soirées dans le noir mais plus tout seul, avec des gens, de l'alcool et une envie de fuir, bouillir d'envies et étouffer d'ennui, ne plus autant savourer la neige, et penser déjà à l'été.
Janvier, c'était pas aussi déprimant que d'habitude parce que j'avais l'esprit tellement occupé à préparer la suite des évènements que j'ai pas vraiment eu le temps de réaliser que ça allait pas trop et que je me sentais toujours aussi mal dans ma peau. Et pourtant, le mois se conclut sur une overdose de solitude et de frustrations. Avec toujours cette impression que tout ce que j'accomplis est à refaire. Que tout recommence toujours à zéro et que j'ai du mal à me rappeler la dernière fois où je me suis senti heureux plus longtemps qu'une soirée, qu'une journée, heureux pas que dans un instantanée, pas que en repensant au passé.
Janvier, c'était de belles découvertes musicales et voici une playlist (cliquez sur la photo ci-dessous) qui se propose de synthétiser ce que j'écoute en ce moment et mon état d'esprit. Je veux pas vous refiler ma morosité comme une vilaine grippe, non au contraire, ces douze chansons agissent comme un remède miracle aux idées noires. En laissant juste ce qu'il faut d'espace à la mélancolie, nécessaire pour se replonger dans de beaux souvenirs lorsqu'il est impossible de dormir.
1) Kissing Strangers (Cherry Ghost)
2) At My Window (Townes Van Zandt)
3) Slow Emotion Replay (The The)
4) Nightporter (Japan)
5) This Is The One (The Stone Roses)
6) Change Of Heart (El Perro Del Mar)
7) Heart In Your Heartbreak (The Pains of Being Pure At Heart)
8) Magical Colours (The Jon Spencer Blues Explosion)
9) Super-Electric (Stereolab)
10) Save It For Someone Who Cares (The Leisure Society)
11) Going Against Your Mind (Built To Spill)
12) Take Care (Beach House)
Dylanesque
Don'tLookBack
Lundi 31 janvier 2011 à 23:36
Dimanche 16 janvier 2011 à 15:09
C'est complètement par hasard que j'ai découvert cet album, c'était au moment de sa sortie, au printemps 2008. J'étais là, sifflotant un air d'Andrew Bird dans les rayons de mon disquaire, lorsque mon regard a été attiré par cette pochette vintage, et un titre qui ne l'est pas moins. Sans jamais avoir entendu parler de la formation de Andy Cabic, j'achète la galette, qui s'avère être un album de reprises (ce que je n'apprendrais qu'au bout d'un mois d'écoutes intensives). Et très vite, je craque pour ces douze chansons de Vetiver (qui ne le sont pas). Des reprises d'artistes que je ne connais pas pour la plupart, et qui m'ont permis de découvrir des univers nouveaux, et de belles mélodies, qui se fondent parfaitement dans la voix de Cabic et dans les instruments de son groupe. Une atmosphère entre le folk dépouillé et la country entraînante.
Mention spéciale à "Roll On Babe" de Derroll Adams, une délicieuse ballade, ainsi qu'à "Hook & Ladder" de Norman Greebaum avec ses sympathiques sifflements et sa mélodie entêtante. A noter également, la présence de Vashti Bunyan sur "Sleep A Million Years", qui est pourtant le morceau qui m'a le moins convaincu. Un album qui a donc le mérite de nous faire découvrir des artistes peu connus de la musique américaine, à travers des reprises soignées.
Une jolie surprise, que j'ai réécouté aujourd'hui avec le même enchantement.
Mention spéciale à "Roll On Babe" de Derroll Adams, une délicieuse ballade, ainsi qu'à "Hook & Ladder" de Norman Greebaum avec ses sympathiques sifflements et sa mélodie entêtante. A noter également, la présence de Vashti Bunyan sur "Sleep A Million Years", qui est pourtant le morceau qui m'a le moins convaincu. Un album qui a donc le mérite de nous faire découvrir des artistes peu connus de la musique américaine, à travers des reprises soignées.
Une jolie surprise, que j'ai réécouté aujourd'hui avec le même enchantement.
Samedi 15 janvier 2011 à 11:47
J'ai rendu ma copie avec un sourire, je suis sorti le premier, j'ai allumé la cigarette du soulagement et j'ai marché l'esprit léger. Le soleil venait à peine de se lever, il m'a ébloui et j'ai pu voir mon visage fatigué dans la vitre d'une voiture, avec les cernes du combattant. J'ai survécu à ces deux semaines examens, j'ai terrassé mon ennemi. Je ne suis pas certain qu'il ait disparu, il pourrait bien revenir en mai. Mais pour l'instant, il ne me tourmentera plus. Et c'est en sautillant que je suis rentré chez moi.
Maintenant que cette parenthèse examens est terminée, je peux vraiment démarrer l'année. Ranger ma chambre, me couper les cheveux, me raser, retrouver mes amis, faire gaffe de pas tomber malade, organiser mon stage, jouer du piano, boire, sortir, m'amuser, retrouvez quelqu'un à embrasser si ça se trouve. Je réalise que dans six mois, la bulle étudiante va exploser, et pour ne pas retrouvez dépourvu que la brise sera venu, tout se joue maintenant. Alors oui, j'ai six mois pour m'accomplir, enterrer dignement mes années campus et aller de l'avant, pour de vrai.
Maintenant que cette parenthèse examens est terminée, je peux vraiment démarrer l'année. Ranger ma chambre, me couper les cheveux, me raser, retrouver mes amis, faire gaffe de pas tomber malade, organiser mon stage, jouer du piano, boire, sortir, m'amuser, retrouvez quelqu'un à embrasser si ça se trouve. Je réalise que dans six mois, la bulle étudiante va exploser, et pour ne pas retrouvez dépourvu que la brise sera venu, tout se joue maintenant. Alors oui, j'ai six mois pour m'accomplir, enterrer dignement mes années campus et aller de l'avant, pour de vrai.
Lundi 10 janvier 2011 à 10:23
J'ai réalisé que j'exprimais ma passion pour la musique de quatre façons différentes sur ce blog. D'abord, la madeleine de Proust, l'obsession lié à l'adolescence, aux souvenirs heureux, aux voyages, tous mes albums de chevet dont je vous parle sous la forme de roman. Ensuite, les découvertes du moments, les articles enthousiastes consacrés à des albums nouveaux ou anciens sur lesquelles je tombe souvent par hasard et que je me fais une joie de vous partager. Il y a également les playlists, condensé récréatifs de ce que j'écoute à longueur de journée, organisé de manière à raconter une histoire et à vous faire part de manière plus pratique du meilleur de ma musique. Enfin, il y a Dylan, dont je revisite la discographie de manière quasi obsessionnel. Je me propose donc dans cet article, écrit entre deux examens, de réunir trois de ces façons d'écrire sur la musique. La partie de mon cerveau intitulé "je suis un taré qui n'écoute que Dylan toute la journée et jusqu'à plus soif" n'étant pas encore activé en ce mois de janvier, l'ami Bob reviendra plus tard.
1) La madeleine de Proust
Pour ceux qui ont lu l'article précédent, pas besoin de rappeler que je me suis replongé avec joie dans la discographie des Strokes, attendant avec impatience leur nouvelle livraison (en mars c'est sûr ! et il y aura un single en février !). Mais dans le rayon plaisirs nostalgiques, il y a également une chanson qui passe en boucle sur ma platine : "Moss Garden", de David Bowie. Alors, pour faire vite, Bowie, je l'écoute depuis gamin parce que son best of était la seule K7 passable dans la voiture de mon père (à côté de Supertramp et Michael Jackson). Autant dire que j'en ai bouffé du Bowie. Ce n'est qu'au lycée que je l'ai redécouvert, albums par albums, en commençant (me demandez pas pourquoi) pas "Heroes", datant de 1977. Ah si je me souviens, c'est parce que la chanson "Heroes" justement, c'était l'une de mes favorites. J'étais loin de m'attendre à un album aussi expérimentale et quand on me parlait alors de trilogie berlinoise, je comprenais pas. J'aime beaucoup cet album, en particulier "Joe The Lion" et la deuxième face étrange, pleine d'ambiances qui foutent les frissons. Alors pourquoi en reparler maintenant, comment ça m'est revenu cet album ? Et bien par hasard, ce matin, alors que j'ai dû me lever à six heures pour aller prendre le bus. Oui, six heures, je m'en sentais plus capable. Mais il fallait bien se pointer aux examens alors j'ai sauté du lit avec un courage exemplaire et je suis sorti dans le froid. J'ai allumé mon Mp3 rempli de la vieille et la lecture aléatoire me balance "Garden Moss", la plus belle des chansons de l'album de Bowie. Un instrumental, aux sonorités orientales, un doux morceau pour s'endormir relaxé ou se réveiller paisiblement. Un morceau parfait pour marcher au ralenti un matin d'hiver, pour voir un nouveau monde, celui de l'aube, avec la fumée qui sort des toits, le boulanger qui ouvre boutique, les employés municipaux qui nettoient le trottoir, les lumières qui s'allument à mesure que la ville s'éveille. Et personne qui marche dans la rue sombre, juste moi et cette étrange chanson. Et puis dans le bus, j'ai écouté le reste de l'album, me souvenant qu'à une époque, j'étais capable de me lever tôt, de prendre le bus tous les matins, et à l'époque, j'écoutais cet album, "Heroes" et ce "Garden Moss" miraculeux.
2) La découverte (ou le dépoussiérage)
Là, je vais être plus bref. Il s'agit de John Martyn, guitariste anglais, ami de Clapton, décédé il y a tout juste deux ans. Découvert au hasard sur Spotify. Avec son deuxième album, "The Tumbler", dont j'ai appris par la suite que la critique le considérait comme un travail mineur, pas très abouti. Moi, il m'en fallait pas plus pour tomber amoureux de ces chansons. Des arpèges délicats et une voix qui me fait penser à Nick Drake, une ambiance à mi chemin entre un blues mélancolique (pléonasme ?) et folk rêveuse, des beaux titres de chansons, une pochette joliment floue. Un album fantôme, qui colle lui aussi à ces froids matins hivernaux.
3) La playlist des matins frileux
Donc voilà, la playlist qui suit compile un peu tous ces sentiments, colle bien aux matins frileux qui sont mon quotidien pendant les examens. Encore trois jours à tenir à ce rythme. Donc l'histoire que vous pouvez imaginez en écoutant ces chansons est simple. Dans mon rêve, je suis au paradis avec Bowie. Mais le fantôme de Sparklehorse me plonge dans un cauchemar et je me réveille brusquement. Il a neigé pendant la nuit (ah, si seulement...), quelle joie, je regarde le spectacle en sirotant mon chocolat chaud et en émergeant de mon sommeil (Galaxie 500). Premiers pas dans le froid, emmitouflé dans un long manteau et là c'est le silence. Juste la lumière de la Lune. Personne dans la rue. Alors je marche lentement, avec de la bouée qui recouvre la fumée de ma cigarette à chaque expiration (l'instrumental de Simon & Garfunkel). Le soleil se lève doucement et une pluie froide vient déjà faire fondre la neige ("Freezing Rain" par un groupe qui ne peux qu'être canadien). Soudain, la ville s'éveille et ça me réchauffe le coeur ("Willow Weep For Me" par le talentueux Pete Molinari, à suivre de très près). Le bus m'emmène vers une journée morose alors que je me reprends à rêver, à rêver d'une journée à la mer, loin d'ici, loin du froid.
1) Moss Garden (David Bowie)
2) Good Morning Spider (Sparklehorse)
3) Listen, The Snow Is Falling (Galaxie 500)
4) Winter's Moon
5) Anji (Simon & Garfunkel)
6) Freezing Rain (Le Pigeon)
7) Willow Weep For Me (Pete Molinari)
8) A Day At The Sea (John Martyn)
Cliquez sur l'image ci-dessous, direction Spotify. Sinon, j'ai appris "Pale Blue Eyes" et "La Javanaise" au piano mais je vous en parlerais plus tard. Bonne écoute.
Vendredi 7 janvier 2011 à 17:00
2011 va marquer le grand retour des Strokes.
Si, si, on nous l'a promis, le nouvel (et ultime ?) album, ce sera au printemps, normalement. Je suis impatient.
Je vous avais déjà expliqué ma passion pour les rockeurs new-yorkais, mon amour pour Is This It, leur premier essai
(ici : http://dylanesque.cowblog.fr/76-hard-to-explain-2954638.html)
En attendant la suite, j'aimerais maintenant revenir sur le dernier souvenir laissé par le groupe, il y a tout juste cinq ans.
"First Impressions of Earth". Putain, ça remonte à loin, je venais tout juste d'attaquer le lycée avec déjà les deux premiers albums dans les oreillettes et une paire de Converses au pied. Je me souviens de la couverture de Rock&Folk (je m'étais abonné à Noël, pauvre de moi), les cinq musiciens affalés dans une rue de Brooklyn, l'air complètement blasés, comme s'ils avaient déjà pris un coup de vieux et voulaient tourner la page "sauveurs du rock" qu'ils avaient gentiment ouvert en début de décennie. Depuis, un tas de concurrents s'étaient engouffrés dans la brèche : les Libertines, Franz Ferdinand, Arctic Monkeys et les Kings of Leon, pour ne citer que les plus mémorables. Forcément, les Strokes, tout le monde les attendaient au tournant et moi le premier. Ma folie Dylan n'avait pas encore commencé, alors ils étaient toujours mon obsession musical du moment.
Mais alors d'abord, il a fallu le trouver ce maudit album. Faire tous les disquaires du coin qui n'étaient pas foutus de l'avoir le jour de la sortie pour que finalement mon père tombe dessus dans un supermarché et me fasse la surprise. Une belle surprise sauf qu'entre-temps, j'avais commencé à lire les critiques et j'étais carrément anxieux puisqu'on lui faisait pas de cadeau à l'album. Avant de l'écouter, j'ai longuement étudié la couverture rayée, le livret aux images obsédantes, les pochettes alternatives à l'image de chaque membre du groupe que l'on pouvait choisir et bien sûr, j'ai choisi Julian Casablancas.
C'est son album à Casablancas. Le premier où l'on comprend vraiment que les Strokes, c'est son groupe à lui, une boîte à musique qui lui permet introspection, recherches sonores et personnelles, un terrain de jeu à la hauteur de son ego. Attention hein, les autres ont du talent, ils le prouveront par la suite sur leurs albums solos respectifs, mais on doit la plupart de la magie à leur leader charismatique qui a, il faut le dire, une putain de classe. Alors, il ressemble à quoi son projet ici ? Le titre laisse penser à un album concept, le journal de bord de quelqu'un qui débarque sur terre, d'un homme complètement aliéné par ses contemporains. Avide d'émotions et paumé. Et ce concept tient tout à fait la route et le malaise de Casablancas est flagrant sur la plupart des textes, qui font toute la beauté de l'ensemble, qui forment sa cohérence. Qui en font autre chose qu'une machine à tubes comme on aurait pu le reprocher à l'album précédent.
Moi, j'aime également à penser qu'il s'agit d'un album de nuit blanche. Une nuit folle dans un monde moderne, agité. L'enthousiasme d'un début de soirée où tout est possible ("You Only Live Once", tube passé en boucle qui ne lasse jamais) de l'érotisme à tout les coins de rues ("Juicebox", single puissant), des rixes dans de sombres ruelles ("Heart in a Cage", parfait mélange de rage et de mélancolie), un plaisir adolescent ("Razorblade" qui rappelle les débuts), du bruit et de la fureur ("Vision of Division" tentative de hard rock qui ne convaincra pas tout le monde), des hallucinations ("Ask Me Anything", un ovni entêtant), une ville qui étouffe et dont on veut s'échapper ("Electricityscape"), des disputes tard dans la nuit ("Killing Lies"), des insomnies terribles ("Fear of Sleep") alors on se relève pour s'enivrer dans un bar louche ("15 Minutes"), le monde tourne, tout va trop vite, l'esprit s'emmêle ("Ize of The World", hypnotisante démonstration de force), le jour qui se lève dans un grand soupir ("Evening Sun") et l'espoir que les nuits suivantes seront encore plus folles ("Red Ligjht"). Le concept se tient, non ?
Mais j'ai gardé une chanson de côté, celle qui, avec le recul, est ma préférée. "On The Other Side". C'était pas gagné au début, je la passais souvent, je trouvais l'intro maladroite, je ne m'y attardais pas. Et puis longtemps après, la mélodie et surtout le texte ont collé à mon humeur et je me suis à me la passer en boucle. Le texte parce que c'est le plus personnel, le plus percutant de l'album, celui qui explicite vraiment le mal-être de son auteur, le dégoût des autres, le dégoût de soi. Des souvenirs qui hantent et un amour salvateur. Des illusions perdues. De l'émotion. Tout ça amplifié par la voix de Casablancas, parfaite, bouleversante, c'est elle qui achève de faire de cet album un univers envoûtant.
On lui aura reprocher des maladresses, des longueurs, du mauvais goût, et on reprochera la même chose à l'album solo de Casablancas. Moi, j'adhère totalement à ce son, à ces chansons, qui font partie de moi, qui résonnent toujours dans mon esprit et qui placent le groupe au dessus de la concurrence dans mon panthéon personnel du rock contemporain. Alors oui, j'attends avec un mélange d'impatience et d'inquiétude, la suite et probablement fin. J'attends de pouvoir revoir sur scène les Strokes, comme c'était le cas en juillet 2006, à Lyon, mon premier concert, le plus mémorable, le plus puissant.
Voilà, j'ai terminé ma dissertation. Encore une fois, j'ai joyeusement disséqué l'une de mes nombreuses madeleines de Proust. J'ai écrit ça sur le brouillon durant un examen manqué. Notez moi si vous voulez. Moi, l'album, je lui colle un 18/20.
Si, si, on nous l'a promis, le nouvel (et ultime ?) album, ce sera au printemps, normalement. Je suis impatient.
Je vous avais déjà expliqué ma passion pour les rockeurs new-yorkais, mon amour pour Is This It, leur premier essai
(ici : http://dylanesque.cowblog.fr/76-hard-to-explain-2954638.html)
En attendant la suite, j'aimerais maintenant revenir sur le dernier souvenir laissé par le groupe, il y a tout juste cinq ans.
"First Impressions of Earth". Putain, ça remonte à loin, je venais tout juste d'attaquer le lycée avec déjà les deux premiers albums dans les oreillettes et une paire de Converses au pied. Je me souviens de la couverture de Rock&Folk (je m'étais abonné à Noël, pauvre de moi), les cinq musiciens affalés dans une rue de Brooklyn, l'air complètement blasés, comme s'ils avaient déjà pris un coup de vieux et voulaient tourner la page "sauveurs du rock" qu'ils avaient gentiment ouvert en début de décennie. Depuis, un tas de concurrents s'étaient engouffrés dans la brèche : les Libertines, Franz Ferdinand, Arctic Monkeys et les Kings of Leon, pour ne citer que les plus mémorables. Forcément, les Strokes, tout le monde les attendaient au tournant et moi le premier. Ma folie Dylan n'avait pas encore commencé, alors ils étaient toujours mon obsession musical du moment.
Mais alors d'abord, il a fallu le trouver ce maudit album. Faire tous les disquaires du coin qui n'étaient pas foutus de l'avoir le jour de la sortie pour que finalement mon père tombe dessus dans un supermarché et me fasse la surprise. Une belle surprise sauf qu'entre-temps, j'avais commencé à lire les critiques et j'étais carrément anxieux puisqu'on lui faisait pas de cadeau à l'album. Avant de l'écouter, j'ai longuement étudié la couverture rayée, le livret aux images obsédantes, les pochettes alternatives à l'image de chaque membre du groupe que l'on pouvait choisir et bien sûr, j'ai choisi Julian Casablancas.
C'est son album à Casablancas. Le premier où l'on comprend vraiment que les Strokes, c'est son groupe à lui, une boîte à musique qui lui permet introspection, recherches sonores et personnelles, un terrain de jeu à la hauteur de son ego. Attention hein, les autres ont du talent, ils le prouveront par la suite sur leurs albums solos respectifs, mais on doit la plupart de la magie à leur leader charismatique qui a, il faut le dire, une putain de classe. Alors, il ressemble à quoi son projet ici ? Le titre laisse penser à un album concept, le journal de bord de quelqu'un qui débarque sur terre, d'un homme complètement aliéné par ses contemporains. Avide d'émotions et paumé. Et ce concept tient tout à fait la route et le malaise de Casablancas est flagrant sur la plupart des textes, qui font toute la beauté de l'ensemble, qui forment sa cohérence. Qui en font autre chose qu'une machine à tubes comme on aurait pu le reprocher à l'album précédent.
Moi, j'aime également à penser qu'il s'agit d'un album de nuit blanche. Une nuit folle dans un monde moderne, agité. L'enthousiasme d'un début de soirée où tout est possible ("You Only Live Once", tube passé en boucle qui ne lasse jamais) de l'érotisme à tout les coins de rues ("Juicebox", single puissant), des rixes dans de sombres ruelles ("Heart in a Cage", parfait mélange de rage et de mélancolie), un plaisir adolescent ("Razorblade" qui rappelle les débuts), du bruit et de la fureur ("Vision of Division" tentative de hard rock qui ne convaincra pas tout le monde), des hallucinations ("Ask Me Anything", un ovni entêtant), une ville qui étouffe et dont on veut s'échapper ("Electricityscape"), des disputes tard dans la nuit ("Killing Lies"), des insomnies terribles ("Fear of Sleep") alors on se relève pour s'enivrer dans un bar louche ("15 Minutes"), le monde tourne, tout va trop vite, l'esprit s'emmêle ("Ize of The World", hypnotisante démonstration de force), le jour qui se lève dans un grand soupir ("Evening Sun") et l'espoir que les nuits suivantes seront encore plus folles ("Red Ligjht"). Le concept se tient, non ?
Mais j'ai gardé une chanson de côté, celle qui, avec le recul, est ma préférée. "On The Other Side". C'était pas gagné au début, je la passais souvent, je trouvais l'intro maladroite, je ne m'y attardais pas. Et puis longtemps après, la mélodie et surtout le texte ont collé à mon humeur et je me suis à me la passer en boucle. Le texte parce que c'est le plus personnel, le plus percutant de l'album, celui qui explicite vraiment le mal-être de son auteur, le dégoût des autres, le dégoût de soi. Des souvenirs qui hantent et un amour salvateur. Des illusions perdues. De l'émotion. Tout ça amplifié par la voix de Casablancas, parfaite, bouleversante, c'est elle qui achève de faire de cet album un univers envoûtant.
On lui aura reprocher des maladresses, des longueurs, du mauvais goût, et on reprochera la même chose à l'album solo de Casablancas. Moi, j'adhère totalement à ce son, à ces chansons, qui font partie de moi, qui résonnent toujours dans mon esprit et qui placent le groupe au dessus de la concurrence dans mon panthéon personnel du rock contemporain. Alors oui, j'attends avec un mélange d'impatience et d'inquiétude, la suite et probablement fin. J'attends de pouvoir revoir sur scène les Strokes, comme c'était le cas en juillet 2006, à Lyon, mon premier concert, le plus mémorable, le plus puissant.
Voilà, j'ai terminé ma dissertation. Encore une fois, j'ai joyeusement disséqué l'une de mes nombreuses madeleines de Proust. J'ai écrit ça sur le brouillon durant un examen manqué. Notez moi si vous voulez. Moi, l'album, je lui colle un 18/20.
Samedi 1er janvier 2011 à 18:44
Premier article de l'année. Et dernier article avant un petit moment je pense. Parce qu'il va falloir que je me plonge dans mes examens durant les deux prochaines semaines. Je reviendrais probablement accompagné de Dylan. Et vous saurez tout sur mon hibernation post-examens, sur ce mois de janvier que je hais beaucoup mais que je vais pas laisser me démoraliser. Alors de nouveau, je vous souhaite une belle année.
À bientôt.