Dylanesque

Don'tLookBack

Vendredi 17 avril 2009 à 20:51

Tiens, le printemps est là. Pour ceux qui l'avait à peine remarquer, voici trois albums à découvrir. Une bonne dose de bucolisme, de mélancholie et de soleil pour oublier les giboulées d'avril...

BEN KWELLER - Changing Horses (2009)

Qui c'est Ben Kweller? Dans les années 90, il avait un groupe, Radish, une comète qui a très vite disparu. Puis on a revu Ben au débuts des années 2000 avec trois albums solo assez inégaux. Pas mal pour son âge mais trop influencé pour réellement convaincre. Il a fallu attendre que le gamin fasse sa crise d'adolescence pour que je me penche à nouveau sur son cas. Le voilà donc de retour avec "Changing Horses". Et comme le titre semble l'indiquer, la formule a changé, et Ben est monté sur ses grands chevaux.



Plus mature, avec une voix qui a gagné en assurance, Ben se prend désormais pour un cowboy. Un Johnny Cash prépubère, un Hank Williams en herbe ! Accompagné de banjo, de mandoline et de pedal steel, sans révolutionner le genre, il fait des merveilles, et c'est très plaisant ! Parce que moi j'aime la country, savez vous comment, quand elle est bien faite avec du beurre dedans (Turner Cody, Calexico). "Gypsy Rose", "Fight", "Sawdust Man", rien que les titres annoncent la couleur. La pochette également, somptueuse. Tout un univers est revisité, avec ses codes, ses passages obligés. Et puis comme sur les précédents essais, l'influence des Beatles est toujours là : le fondu à la fin de "Sawdust Man", l'ambiance "Rocky Racoon"... Alors pastiche ou hommage ? A vous de choisir, en tout cas, il y a de la bonne volonté, et c'est tout ce qui compte.

Je l'avais oublié Ben et le voilà qui revient avec une charmante surprise qui ravira tous ceux qui ont déjà rêvé d'être un cow-boy ! Ben Kweller, où le retour de Billy the Kid !


DAMIEN JURADO - Ghost of David (2000)


Seattle bouge encore. Et le label Sub Pop veut nous le faire savoir ! On a beaucoup parlé des Fleet Foxes cette année, et on aurait également pu citer Rosie Thomas, Rocky Votolato ou bien Laura Veirs. Mais si je dois n'en garder qu'un, c'est Damien Jurado. Aussi incontournable qu'il est discret, le bonhomme à la tête de cocker sous prozac nous livre depuis une dizaine d'années certains des disques les plus fascinants de l'americana contemporaine. La preuve avec ce très hivernal Ghost Of David, sorti en 2000, digne successeur du Nebraska de Springsteen.

Enregistré suite à la mort d'un proche, l'album nous plonge dans une atmosphère sombre, pessimiste et ankylosée. Bref, on est loin de se fendre la gueule... Sur ces treize pistes froides et désolées, la voix de Damien Jurado évoque le suicide ("Tonight I Will Retire"), la maladie ("Medication"), la solitude et bien sûr, la mort. On entend des voix et des bruits étranges, quelques touches d'expérimentations qui viennent troubler la tranquillité d'un folk délicat. La présence rassurante de la charmante Rosie Thomas au détour de la ballade "Parking Lot". On a donc là un album singulier, qui possède un univers savamment construit, une mélancolie et une tristesse intelligemment dosée, qui fait que très vite, le fantôme de David devient un indispensable compagnon de solitude. Damien Jurado, dont ce n'est que le troisième album, a tout compris et apporte une touche unique au folk, et à la scène de Seattle. Et puis je rassure les réfractaires à l'aspect dépressif de ce genre d'exercice, la lumière vous attend au bout du tunnel.

Pour ceux qui considèrent que Nebraska est l'album le plus poignant de Bruce Springsteen et qu'il n'y a pas meilleure thérapie que les albums aussi torturés, Ghost Of David sera un bon compagnon des jours de pluies. 




BOB DYLAN - Pat Garret & Billy the Kid Soundtrack (1973)

Je me lance dans une réhabilitation très personnelle de cet album, qui n'engage que moi, et qui résulte d'une fascination pour l'univers western et le cinéma de Peckinpah.

Parce que bien sûr, c'est frustrant après trois ans d'attente de n'avoir que ça à se mettre sous la dent. Bien sûr que c'est sans grand interêt et avant tout une musique d'ambiance, pas de grandes compositions du Zim (excepté "Knockin' On Heaven's Door", pas besoin d'en rajouter sur ce classique maintes fois sabordé... Oui Axel Rose, oui Avril Lavigne, c'est à vous que je parle !!!).



Ce qui m'intéresse ici, c'est l'ambiance, l'atmosphère. Il me suffit de lancer n'importe quel titre de l'album pour être propulsé au milieu de villages mexicains, de couchers de soleil sur le désert et de señoritas dans des couloirs sombres. Se replonger dans ce film envoutant, et entrer dans la peau de Billy The Kid (ou de Pat Garret, au choix). Ces mélodies chaudes et exotiques nous invitent à l'évasion, aux grands espaces d'une Amérique en carton-pâte. Je ne me lasse pas, dès que l'été se profile, d'écouter en boucle "Billy 1" et ses deux dérivés, aux paroles doucement idiotes, et de m'imaginer partir pour un long voyage en compagnie des hors-la-lois et des putes mexicaines.

Parce qu'il évoque délicieusement un univers que j'affectionne, parce que ces chansons accompagnent à merveille le western de Peckinpah et les siestes au soleil, parce que "Knockin' On Heavens Door" quand même, Pat Garret & Billy The Kid mérite qu'on s'y arrête plus longuement.

Sur ce, je vous souhaite le plus ravissant des printemps...

Lundi 13 avril 2009 à 12:48

Un dimanche tranquille, j'enfile mon chapeau de cow-boy, et me voilà parti. Une seule envie : me perdre et tout oublier.

L'hiver est froid, et la solitude me guette. Tiens, le dernier Dylan traîne dans la boite à gants. Les deux précédents étaient convaincants, il a la classe Old Bobby, lorsqu'il revisite les classiques. Modern Times. Un titre qui en impose. Ca me tiendra compagnie...
D'un coup, le ciel s'assombrit. Les nuages se noircissent et l'autoroute se retrouve plongée dans l'obscurité. Un orage éclate. Dans l'autoradio, "Thunder On The Mountain" démarre en trombe, et la voix du Zim se fait l'écho du tonnerre. Le rythme est enlevé, j'accélères, sous une pluie torrentielle. Tandis que les essuie-glaces s'affolent, Bob se demande où peut bien être Alicia Keys !
"On dirait que quelque chose de mauvais va arriver, tu ferais mieux de redescendre de ton avion / Tout le monde part et je veux partir aussi"



Une route de campagne et quelques éclaircies. Je m'arrête pour profiter du paysage, des champs à perte de vue, un ciel torturé. Le sol est boueux, l'air est frais. "Spirit On The Water".
"J'ai piétiné dans la boue / J'ai prié les puissances d'en-haut / Je sue du sang / Tu as un visage qui implore l'amour".
Une ballade qui m'apaise, tout en me rappelant douloureusement ma solitude. Personne ne m'attends.

Le classique "Rollin'&Tumblin'", sur une route rocailleuse, tout s'agite et j'accèlère à nouveau. Plus rien ne m'arrête.
"Le paysage brille, luisant dans la lumière dorée du jour / Je ne cache rien maintenant, je ne me tiens dans le chemin de personne"

Il est midi et le soleil m'éblouit. A moins que ce ne soit "When The Deal Goes Down", lumineuse. Parfaite. Putain Bob, tu vas me faire pleurer. Une telle chanson d'amour, c'est si rare. Ca m'évoque tellement de choses. Mélange de mélancolie et d'espoir. Une larme à l'oeil, la faute du soleil.
"J'ai cueilli une rose et elle a troué mes habits / J'ai suivi le courant sinueux / J'ai entendu le bruit assourdissant, j'ai senti des joies passagères / Je sais que leur apparence est trompeuse / En ce domaine terrestre, plein de déception et de douleur / Jamais tu ne me verras renfrogné / Je te dois mon coeur / Et je serai avec toi quand la donne se fera"

Pas le temps de pleurnicher, mon périple continue. Les lignes blanches défilent dans mon rétroviseur, les villages s'enchaînent à toute vitesse et des gouttes de pluie se font la course sur la vitre avant. "Someday Baby", classique bluesy, s'accorde à merveille avec ce sentiment de fuite en avant. Plus de compte à rendre à personne, pas vrai Bobby ?

L'après-midi touche à sa fin. Déjà, il fait sombre. Je m'arrête sur un aire de repos abandonnée, aucun signe de vie. "Une brume du soir s'installe sur la ville / La lueur des étoiles au bord de la rivière / Le pouvoir d'achat du prolétariat diminue / L'argent devient peu abondant et peu courant / Oui, là où je suis le mieux, c'est dans mes doux souvenirs". Putain, encore un classique, ce "Workingman's Blues 2" ! Il est infatiguable le vieillard. Il nous pond six merveilleuses minutes sur comment trouver le bonheur quand on est dans une sombre merde, poétise sur la misère et va chercher au fond de sa gorge un flot d'émotions.

Un coucher de soleil, caché par de sombres nuages. Dommage, j'aime bien moi les couchers de soleil. Je me réfugie dans la voix chaude de Bobby, qui croone délicieusement sur "Beyond The Horizon". "Au-delà de l'horizon, derrière le soleil / A la fin de l'arc-en-ciel la vie ne fait que commencer / Dans les longues heures du crépuscule sous la poussière d'étoiles là-haut / Au-delà de l'horizon il est facile d'aimer". Le voilà mon coucher de soleil...

Seul dans la nuit, la Lune éclaire ma route. La fatigue me guette, la journée a été longue. Je me laisse bercer par la ballade "Nettie Moore", une histoire d'amour au Far West, construite et interprêtée avec intensité. Et la fin terrible, désabusée. Dylan chante la mort, et c'est douloureusement juste. "Mon bonheur est bien mort / L'hiver est parti, le fleuve monte / Je t'ai aimé alors et t'aimerai toujours / Mais il n'y a plus personne ici à qui le dire / Le monde est devenu noir devant mes yeux".



Je lutte contre le sommeil et c'est "The Levee's Gonna Break" qui me donne la force de continuer. Un blues endiablé, où les fantômes de la Nouvelle Orléans remontent à la surface du fleuve. Et il pleut à nouveau. Le Déluge. Impossible de continuer. Je n'ai plus le choix. Je m'arrête, à l'entrée d'une ville endormie.

Laissant ma voiture sur un parking désert, je m'allume une cigarette et je marche, me laissant guider par les huit minutes de "Ain't Talkin", la voix de Bobby dans les oreillettes. Le sommet de l'album. Un titre magnifique, indescriptible. Dylan à son meilleur niveau. Le goudron est détrempé, les néons des lampadaires sont flous. Je ne pense plus à rien, je ne dis plus rien, j'écoute la pluie tomber. "Ain't talkin', just walkin' / Up the road, around the bend. / Heart burnin', still yearnin' / In the last outback at the world's end."

Modern Times clôt la trilogie entamée par Dylan en 1997. Une énième renaissance, saluée par la critique, trois nouvelles pierres à l'édifice d'une carrière étourdissante. Ce disque est intemporel, et si je m'amuse à illustrer ces chansons avec ce genre de récit, c'est parce qu'il m'a accompagné tant de fois, tant d'après-midi pluvieux, de soirées en solitaire. Peut-être que c'est l'ultime album. Si c'est le cas je n'en demande pas plus.

Dylan est éternel.

Lundi 13 avril 2009 à 12:42

Personnage atypique de la scène anti-folk, mister Turner Cody est un type attachant, qui trimballe dans sa valise toute déglinguée des chansons sans âges. Ancien colocataire d'Adam Green, proche de Jeffrey Lewis et Will Oldham, et compagnon de tournée d'Herman Düne, il nous gratifie depuis quelques années d'albums artisanaux, qui ressuscitent Hank Williams avec classe et simplicité.



Quarter Century est déjà son sixième album, enregistré en 2005 et publié par chez nous deux ans plus tard. C'est que Turner Cody ne mérite pas d'une grand notoriété en France, et il aura fallu attendre une compilation pour avoir un réel aperçu de sa discographie. Et de son talent sans prétention. Les chansons sont courtes, dépouillées, et il est clair que Cody n'est pas né à la bonne époque. Comme il le revendique, sa poésie est influencée par Leonard Cohen, Bob Dylan et Hank Williams. Toujours les mêmes, les intouchables. On peut également rajouter Johnny Cash et Woody Guthrie dans cette liste non exhaustive de parrains.

Avec décontraction, Turner Cody nous amène pour une ballade au long du Mississipi, de l'Amérique profonde, et ses chansons sont parfaites pour une petite sieste au pied d'un arbre, un brin d'herbe au coin de la bouche, les doits de pieds en éventail. L'entraînante "Suzzanah" est allongée près de nous, et on oublie tout le reste. "My Lady Went Away" et "Sail Away" sont conçus dans le même moule que le meilleur d'Hank Williams, et la voix se rapproche également du maître de la country. Sans tics agaçants, sans en rajouter des caisses, juste ce qu'il pour vous séduire d'emblée. Le tour est joué, vous êtes sous le charme, et pour rien au monde vous ne quitterez cet apaisant coin de verdure.



La magie opère tout au long de cet album country qui nous caresse dans le sens du poil. Avec sa barbe, sa guitare et un sens de l'humour bien à lui, Turner Cody n'a d'autre ambition que celle d'écrire de jolies chansons d'amour et d'eau fraîche, des chansons hors du temps.

Lundi 13 avril 2009 à 12:36

"Le petit Adam Green est demandé à la caisse centrale, il a perdu sa maman". Jamais le jeune Adam ne sera retrouvé et Kimya Dawson devra chanter ses comptines pour enfants toute seule dans son coin. En pleine crise d'adolescence, le jeune new-yorkais fuit les Moldy Peaches en 2002. Livré à lui-même, il s'accroche à sa guitare et va grandir de manière suprenante, s'émancipant d'albums en albums de l'anti-folk qui l'a fait connaître. Après un premier album excellent mais où le gamin n'avait pas encore muer complétement, le voilà qui arrive à maturité. Ou presque...

Car même si la forme grandit, Adam Green est un grand gamin et ses textes sont marqués par une légéreté enfantine ("Bluebirds") et des textes graveleux où des filles sans jambes se font culbuter contre un arbre ("No Legs"). Et c'est ce qui fait la force de ces compositions courtes et accrocheuses : l'alliance de sublimes mélodies avec des textes dégueulasses. Pour dire des saloperies sur Jessica Simpson, Adam troque le son crade de ses débuts pour des arrangements délicats et une voix de crooner. Résultat : "Jessica" peut s'écouter comme une charmante chanson d'amour ou comme un gag hilarant. La musique et le rire font bon ménage chez Adam, elles sont indissociables. Une bonne leçon pour tous ceux qui ont tendance à trop se prendre au sérieux et se proclamer artiste. Si Adam est un artiste, c'est un clown trash, un ménestrel obsédé sexuel, un ovni.



Pas la peine de détailler chansons par chansons, d'autres s'en sont déjà chargés mieux que moi. Et puis tout est excellent rien à redire. De l'entraînant "Bluebirds" à la planante "Bungee", je ne me lasserai jamais d'écouter les horreurs que me conte mon pote Adam. Quinze histoires génialement écrites, mélanges de pop culture et de délires à prendre au centième degré. Le degré Green, il existe pas, je l'invente, voilà. Mention spéciale à "I Wanna Die", absurde ballade mélodramatique, où se cotoient tous les malheurs du monde.
"I wanna choose to die, and be buried with a rubik cube." affirme Adam. Qu'il est con...

Bref, tout cela est comment dire... délicieusement dégueulasse ! Un type plein de contradictions, mais qui brille par sa décontraction et une classe foutraque jamais vu depuis... Et bien jamais vu. Bien sûr qu'il y a des influences, mais ce joyeux abruti les transcande. "Friends Of Mine" était le premier coup de foudre entre Adam et moi. Un sentiment qui s'est un peu calmé avec le temps mais qui n'a pas disparu. La flamme se ravive à chaque nouvelle chanson, à chaque concert où ce fou furieux d'Adam nous offre ce qu'il sait faire de mieux : le con ! Qu'il joue les crooner ringards ou qu'il s'amuse avec une flute de pan, Adam Green sera toujours ma plus belle rencontre musicale. Et cet album, mon favori, est comme l'idiot qui nous regarde sur la pochette : unique, délirant et profondément attachant.



"We fall in love by accident,
a heavenly coincidence.
no matter what you think is true.
let me introduce you to some,
friends of mine.
oh, friends of mine.
oh, friends of mine.
oh, friends of mine."

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