Moi, je fume.
J'ai commencé à 17 ans.
À l'époque, je tenais pas en place, il fallait toujours que j'ai quelque chose à faire de mes mains.
Trop vieux pour sucer mon pouce, trop hétéro pour sucer autre chose, j'ai adopté la cigarette.
Lucky Strike. Pour faire comme Bob Dylan.
Je me sentais l'âme d'un cow-boy.
Dylan, à part pour sa voix, la cigarette lui a jamais fait de mal...
Au début, j'étais maladroit. Je toussotais.
Maintenant, c'est un geste quasi-naturelle.
La cigarette est devenu une extension de ma main, une protubérance au bout de mes doigts.
Pas une heure se passe sans que le bruit réconfortant de la flamme qui jaillit de mon briquet ne vienne caresser doucement le bout de ma clope.
Le plaisir d'ouvrir un paquet fraîchement acheté, de faire glisser l'objet entre ses doigts, de savourer chaque bouffée de nicotine.
La cigarette du matin, avant le petit-déjeuner. Celles que l'on prend pour digérer après un bon repas.
Les cigarettes sous la pluie, celles qu'on fume face à un lever ou un coucher de soleil.
Sur la plage, dans la voiture, en errant dans l'obscurité des rues, en gambadant dans les champs.
Après l'amour.
Moi je fume, et j'aime ça.
Ian Curtis, c'est pas ça qui l'a tué à ce que je sache...
Si je tournais un film, les gens fumeraient beaucoup de cigarettes.
Je trouve ça tellement beau à l'écran.
Dans les films de Wes Anderson, dans la série
Mad Men.
Mais surtout dans les westerns et les films noirs des années 50.
C'est tellement beau de voir une jolie fille qui fume.
Avec la cigarette au bout de ses longs doigts.
Qui souffle la fumée, la bouche en coin.
C'est magnifique.
J'aime fumer, j'aime l'odeur du tabac, j'aime le mot cigarette.
Alors oui, c'est mal. Oui, j'augmente mais chances de mourir et je réduis mes chances de fertilité (si, c'est écrit sur le paquet).
Bien sûr que c'est hors de prix. Ca en devient presque ridicule, même.
Mais pas aussi ridicule que l'hypocrisie de l'Etat qui, jamais à court de conneries, nous alarment contre les méfaits du tabagisme, tout en prenant bien soin de piocher dans la caisse de la grande industrie des clopinettes.
L'interdiction de fumer dans les lieux publics, je veux bien.
Dans les bars, ça m'emmerde mais je dis rien.
Mais lorsque la censure vient filtrer les Gitanes, je dis non !
L'affiche de "Gainsbourg, vie héroïque", biopic sur vous-savez-qui, se retrouve interdit d'affichage dans les couloirs du métro.
La RATP s'inquiète, regarder cette affiche, ça pourrait inciter les gens à fumer.
Il faut agir pour le bien des gens, parce que les gens, ça sait pas se débrouiller tout seul.
Il faut apprendre à réfléchir.
Alors que TF1 tourne toujours.
Cohérent ?
Non.
Faut peut-être pas trop prendre les gens pour des cons (quoiqu'il ne faut pas oublier que parfois, ils le sont).
Continuons ainsi et bientôt, on se verra coller un flingue sur la tempe à chaque bout de mégot allumé dans la rue.
Le flingue, c'est moi qui me le met sur la tempe quand je fume, et personne d'autre.
Je n'inciterais personne à fumer.
Au fond de moi, je regrette d'avoir commencé, d'en être à un paquet par jour.
Je pense même qu'un jour, j'arrêterais.
Mais je ne dicterais à personne sa conduite.
Jack Kerouac, une clope pour l'éternité...
Pour moi, fumer, c'est vivre heureux en attendant la mort (pour reprendre le grand Desproges).
Pour tous ceux qui partagent ma folie suicidaire, voici dix pistes particulièrement enfumés, qui à défaut de déboucher vos artères, nettoieront vos oreilles...
1) Smoke Gets in Your Eyes (Dinah Washington)
2) La Javanaise (Serge Gainsbourg)
3) On the Road (Tom Waits)
4) Smoke! Smoke! Smoke ! That Cigarette (Sammy Davis Jr)
5) Cigarettes & Chocolate Milk (Rufus Wainwright)
6) Smoke Stack Lightning (Howlin' Wolf)
7) Ashes on the Fire (Richard Hawley)
8) Been Smokin' Too Long (Nick Drake)
9) Cold Irons Bound (Bob Dylan)
10) Waitin' Around to Die (Townes Van Zandt)
Allez, je vais m'en griller une...