On a tendance à l'oublier parce qu'il est coincé entre deux albums encore plus mythiques, mais "Another Side of Bob Dylan", c'est un petit chef d'oeuvre dans son genre. Moi-même, je l'ai pas mal négligé. Au début, je le trouvais trop bavard et comme je l'avais acheté dans une période un peu sombre, certaines chansons, trop longues, me filaient encore plus l'envie de déprimer. Pourtant, avec du recul, et des écoutes répétés récemment, je me suis replongé avec délice dans un album beaucoup plus lumineux et attachant que je croyais. C'est ça avec Dylan, il nous surprendra toujours, et il faut savoir persévérer. Quatre ans pour découvrir vraiment toute la puissance de ces chansons, quatre ans, vous vous rendez compte ?
Ca commence avec une franche rigolade, une farce où Dylan se marre comme un gamin qui cracherait pas sur la marijuana. "All I Really Want to Do Ouuuuuuuuuuuuuu". J'adore ces "Ouuuuuuuuuuuuu". C'est rare de voir Dylan faire de con, et de l'entendre surtout. Après le sérieux des temps qui changent, c'est une bouffée d'air frais. Certains ont pas trop aimé ce revirement vers une poésie plus personnelle, plus libre, qui se prend plus autant au sérieux (même si le gamin du Minessota, on sait jamais vraiment quand il est sincère ou pas). Le blues décontracté de "Black Crow" par exemple, ou bien le récit désopilant de "Motorpsycho Nitemare", ça n'a pas la carrure de ses plus belles protest-song ou de ses ballades les plus émouvantes, mais ce sont des morceaux qui lui permettent d'explorer de nouveaux registres. De se libérer de ses chaînes.
"Chimes of Freedom", une protest-song qui emmerde les protest-songs. On peut l'interprêter comme on veut, comme un chant de liberté, comme une ballade déchirante, comme un moyen de dire "là voilà votre chanson d'une génération, je peux faire ce dont j'ai envie maintenant ?". Il en reste un titre qui me touche à chaque fois, surtout quand le gamin gueule le refrain, il le fera en concert souvent.
On l'avait vu avec "The Freewheelin", Dylan est doué pour émouvoir. C'est jamais une émotion pure et dure, c'est souvent à prendre sous plein d'angles différents, c'est parfois un exercice de style plus qu'une simple chanson d'amour ou de rupture. Mais moi c'est ce que je préfère, le Dylan romantique, bien plus que le protest-singer. C'est pour ça que j'aime beaucoup plus cet album que son prédécesseur, puissant mais plus froid. Ici, Dylan semble se mettre à nu, et touche la corde sensible. On y trouve "It Ain't Me Babe", un classique immédiat, "Spanish Harlem Accident", une ritournelle chaleureuse, "To Ramona" et puis aussi "Ballad in Plain B". Qui sont parmis ses plus beaux morceaux, beaux dans le sens émouvant.
C'est pas pour autant que la malice a disparu, elle est plus présente que jamais, suffit d'écouter "I Don't Believe You" ou "I Shall Be Free N°10" pour s'en convaincre. Celui là je l'adore, parce qu'on a vraiment un gamin génial qui se fout de notre gueule, s'amuse avec les mots, et se montre sous un visage bien plus sincère que celui qu'il arborait sur la pochette de "Times They Are A-Changin". Celui de l'opportuniste plein de charme, chaplinesque, roublard et plein d'esprit. C'est un poéte, et il le sait, il espère juste qu'il va pas tout gâcher.
Je termine avec "My Back Pages", où la poésie n'est plus juste un exercice de style, mais le meilleur moyen pour se lamenter, et rendre compte de ses émotions les plus authentiques. C'est ça cet album injustement sous-estimé, trop souvent mis de côté, que j'ai eu le plaisir de revisiter, c'est un gamin avec un destin qui le dépasse, avec la gloire qui l'attend, qui décide de n'en faire qu'à sa tête et de jouer avec les mots, avec les émotions. C'est un gamin inspiré comme tant d'autres par Rimbaud, envouté par le surréalisme, et qui assume ce qu'il est, un poète, un vrai. Pas besoin de jouer les défendeurs de grandes causes pour ça, il suffit de regarder en soi, autour de soi, et de laisser son esprit vagabonder.
Dylanesque
Don'tLookBack
Samedi 12 juin 2010 à 19:43
Commentaires
Par Samedi 12 juin 2010 à 21:15
le Oh bah merci, ça me fait drôlement plaisir. T'inquiète pas, un jour, j'aurais chroniqué tous ses albums. The Freewheelin et Blonde on Blonde devrait pas tarder. Blood on the Tracks aussi. Et puis il faudrait que j'en récrive certaines parce que mon opinion change parfois. Si tu veux parler d'un album en particulier, je peux. On peux. Merci en tout cas !
Par Samedi 12 juin 2010 à 21:39
le Ouais, en parlant de Blonde on Blonde, ce fut justement le premier album de Dylan que j'ai écouté et que je considère comme le meilleur double album de l'histoire de la musique. Peut-être même le meilleur de Dylan? D'ailleurs, je me suis toujours demandé quel était ton album préféré de Bobby, même si je sais que c'est probablement l'une des questions les plus difficiles que l'on puisse te poser.
Mais on en reparlera un jour. Ailleurs, peut-être.
Mais on en reparlera un jour. Ailleurs, peut-être.
Par Samedi 12 juin 2010 à 21:48
le Oui ailleurs peut-être. Surtout que ma réponse peut varier d'un jour à l'autre. Mais oui Blonde On Blonde est bien évidemment dans le haut du panier. Ailleurs où ?
Par Samedi 12 juin 2010 à 21:57
le Je pense t'avoir sur MSN.
Par Samedi 12 juin 2010 à 22:07
le Exact.
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Tu as compris quelque chose, mon pote. Ouais, tu as réussi à piger un truc qui me dépasse encore. Je sais pas ce que c'est ni comment tu as fais mais t'es génial.