Dylanesque

Don'tLookBack

Lundi 31 octobre 2011 à 18:32

Pour ceux qui débarquent, récapitulons : je poursuis ici ma liste des 200 meilleurs bootlegs de Dylan. Enfin, c'est pas vraiment les siens, puisque c'est pas lui qui les fait, mais c'est tout son travail qui s'y trouve compilé dans ce qui reste comme la plus grande collection de disques pirates de l'histoire de la musique contemporaine. Alors moi, je vous sélectionne ce qu'il est primordial de posséder lorsqu'on veut plonger tête baissé dans l'oeuvre du Zim. J'ai glissé un lien vers ces milles trésors quelque part dans l'article, histoire de ne pas jouer les hors-la-loi. Et je vous embarque cette fois-ci dans les coulisses d'une folle aventure, la trilogie élèctrique qui va propulser Dylan au sommet entre 1965 et 1966, allant presque jusqu'à causer sa perte...

http://dylanesque.cowblog.fr/images/dylan/Dylan64new.jpg15) Newport Festival [1963-1965]
Contenu : Commençons par le fameux festival de Newport, catalyseur de l'évolution du Zim entre 1963 et 1965. Lorsqu'il y débarque pour la première fois, Joan Baez le tient par la main et le fait monter sur le trône de la scène folk. L'été suivant, il regarde déjà ailleurs et passe plus de temps à réciter de la poésie qu'à défendre les peuples opprimés. Et lors de son ultime passage, il crée un scandale en branchant les guitares et en mitraillant tout sur son passage en compagnie du Butterfield Blues Band (futur Hawks, futur The Band), marquant malgré lui l'histoire de la folk music et du rock'n'roll. Sur différentes compilations, ainsi que sur les "Bootlegs Series" officiels, vous trouverez l'intégralité de ses performances, qui valent toute le détour, que ce soit le duo passionné Dylan/Baez sur "With God On Our Side", la pureté d'un "Mr. Tambourine Man" jouer les cheveux dans le vent ou la violence d'un "Maggie's Farm" resté dans les annales et qui aurait presque valu un infractus au père de ce bon vieux Pete Seeger. Tout est documenté également dans "No Direction Home" et dans l'excellent documentaire "The Other Side of the Mirror", disponible en DVD. Aucun doute, l'intégralité du passage de Dylan à Newport est à conserver comme un passionnant livre d'Histoire. 
Highlights : "With God On Our Side" (1963), "Mr. Tambourine Man" (1964), "Maggie's Farm/Like A Rolling Stone" et "It's All Over Now" avec des larmes dans les yeux parce qu'il s'agit d'un véritable adieu (1965). 
Son : 9/10.

http://dylanesque.cowblog.fr/images/dylan/t21f-copie-1.jpg16) Thin Wild Mercury Music [1965-66]
Contenu : Probablement le meilleur coffret pour découvrir toutes les merveilleuses outtakes et prises alternatives de cette période faste où la créativité de Dylan est à son apogée. Plutôt que de nous inonder les oreilles avec un trop plein de génie, il s'agit d'une sélection méticuleuse de l'essentiel, avec des perles intemporels comme "I'll Keep it With Mine", "She's Your Lover Now" ou une version plus rythmée de "Visions of Johanna". Il existe bien entendu un tas d'autres compiles et un tas d'autres titres éparpillés entre 65 et 66, mais je conseille ce coffret aux débutants. 
Highlights : "I'll Keep it With Mine", "She's Your Lover Now", "Can You Please Crawl Out Your Window", "Visions of Johanna"
Son : 8/10. 

17) "Don't Look Back" Soundtrack [Mai 1965]
Contenu : Mais avant d'enregistrer toutes ces merveilles, Dylan avait encore un tour d'Angleterre à faire et un tas de protest-song à chanter devant un public qui est venu pour ça. On peut admirer la mutation de l'artiste devant un public perplexe dans l'indispensable documentaire "Don't Look Back", premier rockumentaire réédité dans une belle édition DVD. Ce qui nous intéresse ici, c'est les performances de Dylan qui bâcle ses vieilles scies folk mais brille lorsqu'il interprête ses titres les plus récents, comme "It's Alright Ma (I'm Only Bleeding)". On peut également entendre les jams-sessions entre Dylan, Neuwirth et Baez (qui sera bientôt virée de l'aventure), chantant en coeur des classiques d'Hank Williams. Et le plus beau reste encore cette improvisation au piano...
Highlights : "Concert Medley", ""Piano/Harmonica Tune", "Lost Highway"
Son : 7/10.

18) Manchester, Free Trade Hall [7 Mai 1965] 
Contenu : Dernier témoignage d'un concert tout acoustique, enregistré au printemps 1965 à Manchester. Un bon complément à "Don't Look Back" et sa bande-son, surtout que le son a été conservé parfaitement. Dès l'intro, avec un "The Times They Are A-Changin'" joué à toute vitesse, on sent que oui, les temps vont changer et que des chansons comme "Hattie Carroll" ou "With God On Our Side" sont déjà les vestiges d'une époque révolue. Le reste est un torrent de poésie récité avec style et intensité. 
Highlights : "Love Minus Zero/No Limit", "Gates of Eden", "It's Alright Ma (I'm Only Bleeding)", "Talkin' World War III Blues"
Son : 9/10. 

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19) BBC Broadcast 1965 [June 1965]
Contenu : Même ambiance que sur la tournée anglaise de 1965, sauf que là, c'est enregistré pour la BBC. Malgré le son pas si professionnel pour une telle institution, il s'agit encore une fois d'un instantané de cette période de mutation, avec un Dylan en parfait contrôle de son art. 
Highlights : "She Belongs to Me", "One Too Many Mornings", "Boots of Spanish Leather"
Son : 7/10. 

http://dylanesque.cowblog.fr/images/dylan/g17f.jpg20) "Highway 61 Revisited" Sessions [June 1965]
Contenu : Il y a donc le coffret "Thin Wild Mercuy" cité plus haut mais vous pouvez aussi vous procurez l'intégralité des sessions d'"Highway 61 Revisited", le meilleur album jamais enregistré. D'excellentes prises alternatives de "Tombstone Blues", "Highway 61" ou "Just Like Tom Thumb's Blues", un "Desolation Row" au rythme différent, une version encore plus bluesy de "It Takes A Lot to Laugh, It Takes A Train To Cry", des curiosités pleine d'énergie improvisé avec les Hawks et pour les complètistes, un tas de versions de "Like A Rolling Stone", de l'ébauche au piano avec la voie enroué à ce morceau intemporel qui a inspiré tout un bouquin à ce taré de Greil Marcus. Hélas, pas de nouvelle version de "Queen Jane"...
Highlights : "Sitting on a Barbed Wire Fence", "Like A Rolling Stone, take 1", "Just Like Tom Thumb's Blues"
Son : 8/10. 


21) Hollywood Bowl 1965 |1er Septembre 1965]
Contenu : Et la formule qui fera scandale à travers le monde l'année suivante se déploie véritablement dans un stade californien, en cette rentrée 1965. D'abord les meilleurs chansons acoustiques des trois derniers albums, puis les Hawks qui viennent allumer la poudre avec un concentré énergique mais encore un peu maladroit de rock'n'roll symboliste. L'audience n'exige pas encore d'être remboursé mais il y a de l'électricité dans l'air et c'est l'occasion d'entendre Al Kooper à l'orgue, celui qui plus tard avouera avoir craint pour sa vie et celle de Dylan pendant toute cette tournée expérimentale... 
Highlights : "Tombstone Blues", "Desolation Row", "Like A Rolling Stone"
Son : 7/10. 

22) Berkeley 1965 [4 Décembre 1965]
Contenu : Même combat, quelques mois plus tard, toujours en Californie. Si Al Kooper a quitté l'aventure, le groupe a trouvé son rythme de croisière et pour un enregistrement amateur de 1965, la qualité est plutôt correct. 
Highlights : "Positively 4th Street", "Long Distance Operator"
Son : 6/10. 

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23) San Francisco Press Conference [Décembre 1965]
Contenu : Ceux qui ont la chance de posséder le bouquin "Dylan par Dylan", recueil d'entretiens, savent que la verve et l'arrogance du chanteur font également partie de son oeuvre et que lire ces interviews sont parfois aussi riches que ses chansons. En plein malentendu avec les journalistes, Dylan donne une conférence à San Francisco, le 17 décembre 1965 et fait son habituel travail de répartie et d'absurde. L'enregistrement a vieilli mais reste un document primordiale pour comprendre les états d'âme du Dylan rock-star. 
Son : 6/10. 

http://dylanesque.cowblog.fr/images/dylan/g1334.jpg24) Denver Hotel Tape [13 Mars 1966]
Contenu : Dans une chambre d'hôtel de Denver, Dylan fredonne ce qui servira de base à l'élaboration finale de "Blonde On Blonde", apothéose qui germe dans son esprit depuis l'automne dernier et qui sera bientôt livré au monde entier. Cette chambre d'hôtel, c'est le calme avant la tempête. Si le son n'est pas toujours de grande qualité, on peut entendre les prémices et l'évolution de "Sad-Eyed Lady of the Lowlands" et d'autres variations surréalistes... 
Son : 6/10. 

25) Glasgow Hotel Tape [19 Mai 1966]
Contenu :  Et cette chambre d'hôtel, c'est le calme pendant la tempête, comme on le découvre en visionnant "Eat the Document" (disponible sur Youtube, en attendant une sortie DVD hautement improbable). Face à Robbie Robertson et à l'abri de la foule qui veut sa peau, Dylan dessine des bouts de chansons du bout de ses longs doigts osseux, des bouts de chansons qui vont former ce "Can't Leave Her Behind", 1 minutes 27 de pure beauté, un petit trésor à posséder absolument. 
Son : 6/10. 


26) Genuine Live 1966 [Printemps 1966]
Contenu : Un coffret de huit CDs qui retranscrit la quasi-intégralité de la tournée printanière de 1966, qui mènera Dylan et son orchestre diabolique de l'Australie à l'Europe. Tout est là, et bien plus encore. On peut trouver les différents CD séparèment ou dans des coffrets encore plus vastes, mais on peut se contenter de celui-là car, de toute façon, le tout est répétitive et chaque concert n'a pas la même qualité d'enregistrement. Je conseille celui de Sydney où l'on entendrait presque Dylan pleurer lors de son set acoustique, celui de Manchester qui est resté célèbre et que vous connaissez déjà grâce à "No Direction Home" et au "Bootleg Series Vol.4" (juste le meilleur concert de tous les temps, hein) et toute la fureur, la beauté et la tristesse de cette tournée mythique vous appartiendra. Soit en petit morceaux, soit en intégralité, il y a l'embarras du choix.  

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La prochaine fois : après le crash, Dylan récupère et prend le temps d'enregistrer à la campagne... 

Dimanche 30 octobre 2011 à 17:30

Tiens, c'est mon 200ème article. 

Puisque je n'ai pas beaucoup publié ces temps-ci et que j'ai du mal à écrire mon compte-rendu du passage de Dylan à Paris, je me suis mis au travail et je vous propose une liste. Elle est longue. Elle intéressera surtout les passionnés du Zim. Les non-initiés, je les renvoie d'abord à sa discographie officielle. Là, il s'agit de 200 bootlegs incontournables pour ceux voudrait se consacrer oreilles et âmes dans l'oeuvre de Robert Zimmerman, dont chaque note de musique a été enregistrée (ou presque). 

Quoi, c'est pas très légal tout ça ? Je prends le risque. Certains sont disponibles sous le manteau lors de convention de disques, d'autres sont trouvables seulement sur le net. Et si vous fouillez bien, vous trouverez des liens pour télécharger tout ça, je les ai bien cachés tout au long de l'article. Histoire de pas vous étouffer direct avec trop d'informations, j'ai découpé cette article par périodes et la suite devrait paraître selon le rythme à lequel j'avance. D'abord, l'ère folk, acoustique, les débuts. 

Alors bonne lecture et merci de m'avoir été fidèle 200 fois. 

***

http://dylanesque.cowblog.fr/images/887059.jpg1) Songs For Bonnie [1961]

Contenu : Pour commencer, un truc historique, le premier bootleg de l'histoire, paru à l'origine en 1969 sous le nom "Great White Wonder" et distribué sous le manteau. Il contient vingt-cinq morceaux enregistré par le jeune Bob Dylan, 20 ans, dans une chambre d'hôtel du Minnesota, alors que dehors il fait froid. On est en décembre 1961 et le répertoire du gamin de Duluth est principalement constitué de reprises de standards blues-folk, qu'il a sûrement ingurgité en volant les disques de ses copains ou en écoutant la radio tard dans la nuit. Bien entendu, on retrouve du Woody Guthrie ainsi que du Blind Lemon Jefferson, du Leroy Carr, du Big Joe Williams, on a les grands classiques avec "Man of Constant Sorrow" ou "Naomi Wise" (qui sera reprise en concert à la fin des années 80), quelques titres se retrouveront sur son premier album et d'autres, comme le sublime "I Was Young When I Left Home", seront publiés officiellement des décennies bien plus tard. La voix essaye d'imiter les anciens, l'harmonica est chevrotant et il s'agit d'un document indispensable pour qui s'intéresse aux débuts de Dylan, qui vient juste de trouver son surnom et s'apprête à quitter le Minnesota pour partir continuer son apprentissage dans les rues de New York. 
Highlights : "I Was Young When I Left Home", "Cocaine Blues", "Man Of Constant Sorrow", "I Ain't Got No Home". 
Son : 9/10. 

http://dylanesque.cowblog.fr/images/carnegiehall21961.jpg2) Live At Carnegie Hall [1961]
Contenu : Organisé par Izzy Young, il s'agit du premier concert où Dylan est tête d'affiche. Faute de véritable promotion, seulement une cinquantaines de curieux se réunirent le 4 novembre 1961 pour applaudir timidement un gamin qui part dans de longues improvisations à la guitare et à l'harmonica, qui reprend des classiques du répertoire folk et propose deux compositions qu'on retrouvera sur son premier album, "Song to Woody" et "Talkin' New York". Le tout entrecoupé de blagues et de faux accords. Avec sa malice et un style unique, le gamin parvient presque à charmer son auditoire. Izzy Young se ruine mais participe à l'Histoire. 
Highlights : "Song to Woody", "Talkin' New York", "In The Pines" et la longue récitation de "Black Cross", reprise de Lord Buckley, une fable sur le racisme qui fait froid dans le dos...
Son : 8/10. 

3) The Gleason Tapes [1961-62]
Contenu : Lors d'une résidence à East Orange dans le New Jersey, Dylan rencontre les parrains de la scène folk et récite pendant une bonne demi-heure les classiques du genre. Cette compilation nous propose un enregistrement de sa performance, couplé à quelques vieilles cassettes datant de l'année précédente alors que Dylan avait abandonné ses études et squattait chez un couple d'amis à Minneapolis. Malgré le son archaïque, voilà de jolies embryons. 
Highlights : "San Francisco Bay Blues", "Gypsy Davey", "Trail of the Buffalo", "Acne". 
Son : 5/10. 

http://dylanesque.cowblog.fr/images/0000999739500.jpg4) Folksinger's Choice [1962]
Contenu : Une émission de radio en compagnie de Cynthia Gooding, diffusé en mars 1962, alors que Dylan est la star montante de Greenwhich Village. Même recette que d'habitude : des reprises interprêté tour à tour avec un sérieux déconcertant ou beaucoup de malice. Et surtout, des entretiens où Dylan raconte des fables, des bobards, construit son personnage avec de l'humour et de la nonchalance, face à une animatrice visiblement conquise par son charme. L'émission sera édité de manière plus ou moins officielle en 2010 et est selon moi le témoignage le plus agréable à écouter de la période. 
Highlights : "Lonesome Whistle Blues" (reprise d'Hank Williams), "Death of Emmett Till", "Hard Times in New York". 
Son : 9/10. 

5) The Gaslight Tapes [1962]
Contenu : New York. 1962. Le Gaslight. Un café-concert, au beau milieu des rues froides du Village. Le rendez-vous des amateurs de folk. On y voit de la lumière, on y entre pour se réchauffer. Sur la scène, un gringalet s'acharne sur sa pauvre guitare, et chante de sa voix nasillarde, des airs hérités de Woody Guthrie et des traditionnels folk ("The Cuckoo Is A Pretty Bird"). Pas impressionant pour un sou, ce gamin, avec son accent de chèvre et son air timide, renfermé. Pourtant, dans ce café, l'histoire de la musique est en marche, et ne va pas tarder à se réinventer à travers ce jeune gringalet... En plus des tradionnelles folk-songs, il compose le Dylan. De la pure poésie, ces textes, évoquant l'actualité avec ironie et lyrisme ("A Hard Rain's A-Gonna Fall"). On se laisse porter par la pure beauté de "Moonshiner", par la douce mélodie injectée de venin qu'est "Don't Think Twice (It's Alright)". On retrouve la même magie que sur son premier album, sorti la même année, et on se dit que ce type a un sacré potentiel, mine de rien... Là aussi, on a eu le droit à une sortie officielle à édition limitée en 2005 et là aussi, c'est indispensable. 
Highlights : "Moonshiner", "Cocaine", "John Brown", "A Hard Rain's A-Gonna Fall". 
Son : 9/10. 

http://dylanesque.cowblog.fr/images/bobandsuze.jpg6) The Freewheelin' Bob Dylan Outtakes [1962]
Contenu : Comme son nom l'indique, cette compilation réunit toutes les prises qui ne figureront pas sur le deuxième album de Dylan, "The Freewheelin' Bob Dylan". Il faut dire qu'il avait apporté en studio de quoi remplir dix faces, que ce soit avec d'éternels reprises (d'Elvis à Guthrie en passant par Hank Williams, la sainte trinité) ou bien des compositions qui varient entre boutades légères ("Baby, I'm in the Mood for You", Mixed-Up Confusion", qui prouve que l'électricité fut branché bien avant 1965) et protest-song apocalyptiques ("Let Me Die in My Footsteps", "Death of Emmett Till"). On retrouve également des prises alternatives de morceaux retenus sur l'album, ce qui permet d'admirer les superbes accords de "Corrina, Corrina" ou la genèse de la "Ballad Of Hollis Brown", qui sera pourtant remisé au placard en attendant l'album suivant. Comme chaque collection d'outtakes de Dylan, c'est à découvrir les yeux fermés. 
Highlights : "Corrina, Corrina", "That's Alright Mama, "Mixed-Up Confusion", "Talkin' John Birch Paranoid Blues". 
Son : 8/10.  

7) Broadside Sessions [1962-63]
Contenu : "Broadside", c'est à l'époque l'émission folk incontournable et comme la star du moment était Dylan, il a dû s'y coller et aller y chanter son lot habituel de compos et de reprises. D'abord en mai 1962, puis en mars et août 1963. Cette compilation est donc l'occasion de voir l'évolution des compositions folk du jeune Dylan, mélangeant les perles de "Freewheelin" (l'hymne "Blowin' in the Wind", "Masters of War", "Oxford Town"), celles de "The Times They Are A-Changin'" ("Only a Pawn in Their Game") et des inédits inspirés ("Paths of Victory", "Only A Hobo", "Farewell"). Tout ça sera plus tard au programme du premier volume des "Bootleg Series" officielles. 
Highlights : "Paths of Victory", "Oxford Town", "Masters of War". 
Son : 6/10. 

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8) Stolen Moments - Live at Town Hall, NY [Avril 1963]
Contenu : Un superbe coffret au packaging parfait et au son impeccable, témoignage d'un concert au Town Hall, à New York, le 12 avril 1963. Sûr de lui et accompagné d'une setlist qui est le condensé du meilleur de son répertoire folk, Dylan livre une performance sans fausses notes et devant un public enthousiaste. Qu'il termine en lisant un long poème consacré à son idole Woody Guthrie. Personne ne se doute alors que l'élève a déjà dépassé le maître... Si affectionnez cette période et que vous tombez sur "Stolen Moments" lors d'une convention de disques, n'hésitez pas une seule seconde. 
Highlights : "Last Thoughts on Woody Guthrie", "Boots of Spanish Leather", "With God On Our Side", "Seven Curses"...
Son : 9/10. 

http://dylanesque.cowblog.fr/images/tumblrlc8l3d9aE21qbeumgo1500-copie-2.jpg9) The Bear Club, Chicago [Avril 1963]
Contenu : Même s'il est introuvable dans un coffret de la même qualité, ce concert à Chicago est une belle performance datant de la même époque du live à Town Hall. La setlist est plutôt similaire mais Dylan semble plus concerné que jamais par ses récits et il y a un souffle permanent sur la bande qui, pour une fois, est une bonne chose puisqu'il donne une ambiance sépia approprié. On dirait presque qu'il pleut pour de vrai sur "Hard Rain" et l'écho sur "With God On Our Side" donne des frissons dans le dos...
Highlights : "Hard Rain", "With God On Our Side", "Bob Dylan's Dream". 
Son : 7/10 (même si le souffle et l'écho sont chouettes). 

10) "The Times They Are A-Changin'" Sessions [1963]
Contenu : Parsemé sur différentes compilations, ces outtakes sont également disponibles pour la plupart sur le "Bootleg Series Vol.1". En plus de prises alternatives, il y a des perles, des chansons plus personnelles et romantiques qui n'auraient pas vraiment eu leur place sur l'album mais annoncent déjà un nouveau tournant pour Dylan. 
Highlights : "Percy's Song", "Eternal Circle", "Mama You've Been On My Mind".
Son : 8/10. 

11) Studs Terkel's Wax Museum [Mai 1963]
Contenu : Une émission de radio diffusée le 1er mai 1963, où l'on retrouve les morceaux du nouvel album et des interviews, le tout compilé dans un coffret au packaging et au son impeccable. Un must pour appréhender le cru 63. 
Highlights : "Who Killed Davey Moore ?", "A Hard Rain's A-Gonna Fall".
Son : 9/10.  

http://dylanesque.cowblog.fr/images/dylan/i18f.jpg12) In Concert - Carnegie Hall, 1963 [Octobre 1963]
Contenu : Le plus beau concert de 1963. Deux ans après son premier passage au Carnegie Hall, Dylan est devenu le petit roi de la scène folk, plus seulement connu dans les rues de New York, mais par le pays tout entier, notamment grâce au succès de "Blowin' in the Wind", l'aide de Joan Baez et son passage au festival de Newport durant l'été. Seul avec sa guitare et son harmonica, il livre une performance courte mais intense, en mélangeant des protest-songs qui claquent dans l'air et des ballades qui font trembler. On a l'impression d'y être et c'est peut-être l'ultime témoignage d'un Dylan concerné par des chansons comme "Davey Moore" ou "With God On Our Side". C'est souvent beau à pleurer et c'est à posséder et à écouter seul, un soir d'automne, avec une bougie allumé. 
Highlights : "North Country Blues", "Boots of Spanish Leather", "Lay Down Your Weary Tune". 
Son : 9/10. 

http://dylanesque.cowblog.fr/images/dylan/Dylan64coll.jpg13) "Another Side of Bob Dylan" Sessions [Juin 1964]
Contenu : Et les temps ont changés. Tournant le dos à une scène folk dont il ne veut plus être le porte-parole ou le pantin, Dylan s'épanouit dans un univers plus personnelle et poétique avec ce nouvel album, dont les sessions ont été conservés. On y trouve un "Mr. Tambourine Man" sublimé par la guitare de Bruce Langhorne, un "All I Really Want To Do" avec un vers supplémentaire, un Ramblin' Jack Elliot qui fredonne ça et là, et deux outtakes, "Denise" et "California" qui, même si elles sont indéniablements plus faibles, valent le coup d'oreille. 
Highlights : "All I Really Want To Do", "Mr. Tambourine Man" et "I Shall Be Free #10". 
Son : 8/10. 

14) Philarmonic Hall, 1964 [Octobre 1964]
Contenu : Halloween, c'est demain. Et que faisait Dylan le soir d'Halloween, en 1964 ? Il donnait au Philamornic Hall une prestation enjouée et inoubliable en compagnie de Joan Baez et prouvait définitivement qu'il était en pleine mutation. Le mieux pour écouter ce concert culte, c'est encore de se procurer le "Bootleg Series Vol.6" qui lui est consacré et dont je faisais une chronique
ici
Highlights : "All I Really Want To Do", "Don't Think Twice (It's Alright)", "If You Gotta Go", "Gates of Eden". 
Son : 10/10. 

Dès que possible, la suite avec la période électrique, de 1965 à 1966...

Vendredi 3 juin 2011 à 9:06

1975. Sam Shepard, scénariste et écrivain, se lance Sur la Route avec Bob Dylan. Ce dernier vient de s'embarquer dans la Rolling Thunder Revue, en compagnie d'une bandes d'illuminés qui sillonnent les routes d'Amériques lors d'un froid hiver. Shepard devient le Sol Paradise d'un Dean Moriarty incarné par Dylan. 

Et Sam Shepard écrit ça :

"Si les chansons de Dylan ont un impact particulier sur moi, c'est parce qu'elles suggèrent toujours des images, des scènes entières qui se déroulent, en couleurs et en trois dimensions, pendant que je les écoute. C'est un cinéaste instantané, je dirais. Bien sûr, il est probable que chaque auditeur ne verra pas le même film à l'écoute du même air et pourtant, j'aimerais bien savoir si quelqu'un d'autre a devant les yeux le petit jardin public embrumé de pluie, le banc et les deux silhouettes baignées de lumière jaune que conjure toujours pour moi "Simple Twist of Fate". Ou la même plage dans "Sara", ou le même bar dans "Hurricane", ou la même cabane dans "Hollis Brown", ou la même fenêtre dans "It Ain't Me, Babe", ou la même table et le même cendrier dans "Hattie Carroll", ou la même vallée dans "One More Cup of Coffee"... Comment les images deviennent-elles des mots ? Comment les mots se transforment-ils en images ? Et comment arrivent-ils à générer de l'émotion en nous ? C'est, tout simplement, un miracle." 

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"Tout mythe est un moyen d'expression chargé de puissance, parce qu'il s'adresse aux émotions, non à la raison. Il nous transporte dans une sphère de mystère. Certains mythes ont le pouvoir de changer quelque chose en nous, ne serait-ce que l'espace d'une minute ou deux. Dylan crée du mythe à partir du pays qui nous entoure, de la terre que nous foulons chaque jour et que nous ne voyons pas, jusqu'à ce que quelqu'un nous la montre". 


Voilà, tout est dit. Merci Sam Shepard, je n'ai plus rien à rajouter.
Au fait, je pars au bord de la mer...





Dimanche 29 mai 2011 à 0:10

Halloween, 1964. Au Philarmonic Hall de New York, la foule se rassemble pour assister au spectacle du jeune songwriter Bob Dylan. Du haut de ses vingt-trois ans, ce dernier a déjà conquis la scène folk, que ce soit seul dans de sombres cafés, accompagné par Pete Seeger ou Joan Baez au festival de Newport, ou à travers trois albums déjà considéré comme de petits chefs-d’œuvre. Le dernier en date, « Another Side of Bob Dylan », est irrévérencieux, malicieux, il sent bon le vin et la liberté, c’est l’album d’un gamin qui se prend pour Rimbaud et gueule joyeusement dans son micro qu’il n’a de comptes à rendre à personne et qu’il est plus jeune que jamais.

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Pourtant, quand il entre sur scène, Dylan exécute « The Times They Are A-Changin’ », l’une de ses protest-songs les plus fameuses, l’une de celles qui lui ont collés une étiquette dont il essaye de se défaire tant bien que mal. Mais cela ravit la foule qui s’exclame et Dylan bâcle sa corvée, calculateur. Revisiter ses vieux classiques purement folk l’amuse après tout, il a un peu trop bu et avec le recul, tout ça n’est pas bien sérieux, comme « Who Killed Davey Moore ? » qui devient presque une boutade. Une chanson sur un boxeur qui boxait mais une chanson qui ne parle de rien, juste une chanson qui rassemble des mots ensemble. Une chanson extraite des journaux où rien n’a été changé si ce n’est les mots. Dylan, un petit rigolo.

C’est ce qui est plaisant sur ce témoignage, le sixième volume des Bootlegs Series : l’aspect léger et fun de la performance, celle d’un Dylan imbibé d’alcool (et autres) que l’on entend sourire, rire et plaisanter avec son public. C’est touchant, parce que l’on sait que bientôt, il ne sera plus question de s’amuser avec la foule mais de devoir supporter son mécontentement. Alors vite, il faut expédier les vieilles chansons pendant qu’il est encore temps, pendant que c’est encore amusant, comme « Hattie Carroll »,  extraite elle aussi des journaux, ou « Hard Rain’s A-Gonna Fall » qui garde tout de même sa gravité bien après que la menace des bombes ne soit passée. C’est toute la force d’un poème aussi bien ficelé : qu’elle que soit l’humeur ou le contexte, malgré tous les faux accords, il garde toute sa puissance d’évocation.

Ce qui est touchant également, c’est l’intervention de Joan Baez. Elle encore l’amoureuse, la muse, celle qui a pris le petit Bobby par la main pour le faire grimper aux sommets, celle qui le protège et lui apprend les ficelles du métier. Mais bientôt, elle sera un frein à sa carrière et un poids dont il voudra se débarrasser, lors d’une tournée londonienne immortalisé par le documentaire « Don’t Look Back ». On assiste donc ici à une histoire d’amour qui va mal se terminer mais qui fait encore des étincelles, le temps d’un « Mama, You Been On My Mind » chaleureux, que l’on aime la voix haut perchée de Baez ou pas. Si ce n’est pas le cas, il faut passer « Silver Dagger », un traditionnel qui sera difficile à digérer si l’oreille est fragile aux aigues. Moi, j’aime beaucoup leur duo sur « With God On Our Side », qui rappelle les plus belles heures du festival de Newport et de la beauté du folk des années soixante, des débuts. On ne sait pas si Dylan y croit autant que Baez mais l’union des voix fait encore de l’effet, pour la dernière fois. Avant qu’il ne la laisse tomber, qu’il ne lui dise au revoir, ne t’en fais pas, tout ira bien. C’est un peu ça le « Don’t Think Twice », à l’origine écrit pour Suze Rutolo, adapté ici pour Baez et tourné en dérision avec un Dylan qui gueule les refrains en se voilant la face. Drôle et émouvant à la fois. Comme sur « It Ain’t Me Babe », leur plus belle collaboration scénique à ce jour.

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Les morceaux qui fonctionnent le mieux sont bien sûr ceux que Dylan vient de pondre, ceux auquels il offre un écrin doré : « Gates of Eden » et « It’s Alright Ma » sont de la rage à peine retenue, un feu qui commence à brûler et prendra toute son ampleur lors de la trilogie électrique à venir. De son côté, « M. Tambourine Man »  est cette envoutante berceuse, cette hymne à l’évasion des sens, traversé par un harmonica virevoltant. Traversant le micro, la voix de Dylan résonne dans toute la salle et prend un air plus péremptoire, plus mature. Plus sincère aussi.

Ce que je préfère moi, c’est de voir un gamin s’épanouir, être au sommet de tous et se fendre la gueule. Que ce soit sur « All I Really Want To Do », caprice de star éméchée ou « If You Gotta Go », ballade purement comique, Dylan se fout de la gueule du monde. Il a trouvé le moyen de s’échapper un temps de la pression, de faire son boulot de songwriter avec un plaisir nouveau, avec fraîcheur. En rajoutant de nouvelles blagues sur « Talkin’ World War III Blues », en jouant les séducteurs sur « To Ramona », en nous rappelant à quel point il est jeune et rêveur sur « Spanish Harlem Incident ».  Il porte son masque de Dylan, Halloween oblige, mais ça ne l’empêche pas d’être authentique et ouvert à son public pour une fois. Pour l’une des dernières fois.

Le témoignage d’une fin d’époque, d’une transformation, celle d’un gamin charismatique qui a conquis le monde de la folk et ne va pas tarder à devenir une rock-star. Qui commence à chanter fort et à n’en faire qu’à sa tête. Qui devient Bob Dylan pour de bon. 

Mardi 24 mai 2011 à 0:39

Happy Birthday Bob ! Le Telegraph vient de publier 70 raisons qui prouvent que Bob Dylan est la figure la plus importante de la pop-culture. Pour fêter l’anniversaire de celui qui est encore bien vivant, je me lance moi-même dans cet exercice, mais de manière personnelle. 70 raisons qui prouvent que Bob Dylan est l’artiste le plus important pour moi depuis déjà cinq ans et pour toujours. 

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1. Parce qu’il a écrit “Like A Rolling Stone”, seule chanson que je peux écouter une fois par heures sans jamais qu’elle ne perde de sa superbe, de sa puissance émotionelle, une chanson qui a libéré mon esprit et a changé ma vie. 
2. Parce que ses chansons d’amour et ses anti-chansons d’amour ont ce pouvoir étrange de me rendre mélancolique, heureux, de me faire pleurer et de me redonner l’espoir, de me faire rester debout jusqu’à quatre heures du matin en fumant blonde sur blonde et en repensant à toutes les filles dont je suis tombé amoureux et de me réveiller en partant à la recherche d’une nouvelle âme sœur. 
3. Parce qu’on a rarement vu quelqu’un d’aussi photogénique. La preuve en images sur toutes les pages de ce blog.  
4. Parce que dès le lycée, il voulait devenir Little Richard et que moi, depuis le lycée, je veux devenir Bob Dylan.
5. Parce que je peux lancer ma collection de Dylan sur mon ordinateur et que sa discographie officielle ou non est tellement riche que si je reviens chez moi dans deux ans, Windows Media Player en aura pas encore fait le tour. 
6. Parce qu’on te demande qui est Bob Dylan et quelle est sa musique, il est impossible de répondre à la question en moins de trois semaines. 
7. Parce que si tu aime le folk, le rock, le blues, le gospel, la pop, la country ou l’Amérique, il est impossible de ne pas aimer au moins une chanson ou un album de Dylan. 
8. Parce que la plupart de ses pochettes d’albums sont inoubliables et que je les aiment toutes, même celle de « Saved », c’est pour dire…
9. Parce qu’il a toujours su s’entourer de jolies femmes mais n’a jamais su les garder auprès de lui parce que c’est le plus génial des insociables. Un modèle pour nous tous. 
10. Parce qu’il ne se repose jamais. Si quelque chose fonctionne, il le détruit pour mieux le reconstruire. Quand il commence à devenir feignant, il se réveille et illumine tout le monde en pendant sans prévenir un album miraculeux. 

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11. Parce qu’à 70 ans, il continue de réinventer son œuvre sur scène, quasiment tous les soirs, pour le pire et pour le meilleur, pour l’art, pour le plaisir, parce que c’est sa raison de vivre et qu’il est le dernier des troubadours. 
12. Parce qu’il est attachant à 23 ans ivre sur scène, hypnotisant à 25 ans possédé sur son orgue, séduisant à 28 ans en nous saluant du chapeau, mystique à 34 ans en se la jouant gitan, intriguant à 40 ans en se prenant pour un révérend, bouleversant à 56 ans en écrivant son testament avant l’heure et qu’à 70 ans, c’est toujours un mystère.
13. Parce que son émission de radio, « Theme Time Radio Hour » est la plus belle et amusante leçon d’histoire de la musique jamais enregistrée.  
14. Parce qu’on peut passer sa vie à lui courir après sans jamais le rattraper, en faire le tour ni le connaître. Et qu’on aura pas fini d’analyser son œuvre dans un millénaire. 
15. Parce que tous les matins, je me lève en espérant qu’il soit encore vivant et que tous les soirs, il me berce lorsqu’il est tard et que je me sens seul. 
16. Parce que le jour de mes seize ans, j’ai embarqué « Highway 61 Revisited » sur une route bretonne et que j’ai découvert qui j’étais, ce que je voulais faire et pourquoi parfois, c’est chouette d’être vivant. 
17. Parce que la pochette de « Nashville Skyline » veille sur moi jour et nuit au dessus de mon lit. 
18. Parce que je peux pas écouter « Sad-Eyed Lady Of The Lowlands » sans pleurer. 
19. Parce la version de « Shelter From The Storm » que l’on retrouve sur le live « Hard Rain » me donne envie de crier sous l’orage et de monter sur une scène pluvieuse pour gueuler dans un micro. 
20. Parce que le jour de mes 20 ans, à Barcelone, mon colocataire à demandé à un serveur de passer Bob Dylan et que les enceintes du bar où je buvais ma sangria d’anniversaire a gémie « Forever Young ».

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21. Parce que la réponse est soufflée dans le vent, mon ami. 
22. Parce qu’il a fallu six acteurs différents pour l’interpréter dans « I’m Not There » le biopic maladroit mais passionnant de Todd Haynes. Et que c’est une femme qui s’en est le mieux sorti figurez-vous. 
23. Parce qu’il a écrit un album de Noël surréaliste, absurde et à mourir de rire, dont les fonds sont tout de même reversé à une association pour les gamins à chaque fois que l’album est vendu. 
24. Parce qu’il a toujours pondu d’énormes farces en se foutant de la gueule du public avant que l’on réalise sans aucune objectivité que c’est un génie et que de toute façon, il n’a aucun compte à nous rendre. 
25. Parce que les trois meilleurs documentaire sur la musique sont à son sujet : « Don’t Look Back », « Eat the Document » et « No Direction Home ». 
26. Parce qu’en parlant de cinéma, la bande originale de « Pat Garrett & Billy The Kid » est mon éternel compagnon de voyage et de soleil. 
27. Parce que sa prestation dans ce western est à mourir de rire. 
28. Parce que sa prestation dans « Masked And Anonymous » est quelque chose d’étrange, d’unique, de pas normal. 
29. Parce qu’il a filé un joint à Lennon et McCartney, jammé avec Johnny Cash et ouvert l’esprit à Bruce Springsteen. 
30. Parce qu’il a donné les interviews les plus passionnantes et arrogantes qui existent sans pour autant qu’on arrive à le percer à jour. Une putain de répartie. « Keep a good head and always carry a lightbulb ».  

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31. Parce qu’il a illuminé cinq décennies de sa musique et que c’est pas fini. 
32. Parce que « Visions Of Johanna ». 
33. Parce qu’il a écrit la biographie la plus intelligente, originale et poétique que j’ai pu lire et que ce n’était que le premier volume et que j’attends la suite comme si j’attendais un nouveau Nouveau Testament. 
34. Parce qu’entre 65 et 66, il a surpassé tout le monde au niveau de l’élégance et du bon goût vestimentaire. Tellement que même aujourd’hui, le moins hip des lycéens tentent de lui ressembler sans le savoir.
35. Parce que chaque chanson de Dylan me ramène à un moment de ma courte vie, à un souvenir, à une personne, à un sentiment, à une saison, à une anecdote et que si j’ai commencé à écrire, c’était pour partager cette chose étrange, le pouvoir de la musique, le pouvoir d’évocation de Dylan. 
36. Parce que je l’ai cité sur toutes mes copies d’examens, du Bac à la fac. 
37. Parce que sans le savoir, « Subterrannean Homesick Blues » est le meilleur clip de l’histoire. Et le meilleur morceau de rap jamais écrit et interprété. 
38. Parce que le seul instrument dont je joue, c’est de l’harmonica et que je lui dois.
39. Parce que oui, je joue aussi de la voix et j’ai appris à chanter avec lui, ce qui revient à improviser et à être aussi aléatoire que possible. 
40. Parce que bon je dis ça, mais je l’adore sa voix. C’est la plus imprévisible, reconnaissable, méconnaissable, confortable, surprenante, changeante que je connaisse et qu’elle est pleine de contradictions et de richesses, à son image. 

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41. Parce que par exemple, allez réécouter la manière dont il prononce « no place to fall » à 01 :05 sur « She Belongs to Me » ou « blow it up » sur « Desolation Row » ou encore « not a house, it’s a home » sur « The Ballad of Frankie Lee & Judas Priest ». Les exemples sont innombrables. 
42. Parce que son jeu de guitare sur « Corrina, Corrina » est la mélancolie incarnée, le passage du temps que l’on ne peut rattraper et qui est pourtant gravé sur le plus bel album de folk jamais enregistré.  
43. Parce que le piano sur « I’ll Keep It With Mine » est beau à pleurer. 
44. Parce que l’orgue sur « Ballad Of A Thin Man » me donne toujours autant la chair de poule à chaque écoute. 
45. Parce que le son de batterie qui inaugure « Like A Rolling Stone » me fera toujours tendre l’oreille et prendre mon pied. 
46. Parce que le solo d’harmonica sur « Desolation Row », la plus belle fresque surréaliste du 20ème siècle. 
47. Parce que c’est un type qui peut se permettre de mettre de côté une chanson comme « Blind Willie McTell » alors que n’importe quel artiste pourrait faire sa carrière sur ce chef d’œuvre. Et que des comme ça, il lui en reste plein dans les tiroirs. Déjà neuf volumes à ses bootlegs officielles. 
48. Parce que même dans ses pires albums, il y a une perle. « Every Grain Of Sand » ou « Dark Eyes » tiens. 
49. Parce qu’il a écrit “All Along the Watchtower”, le meilleur morceau de Jimi Hendrix. 
50. Parce qu’à mon enterrement, je veux « When The Deal Goes Down ». Ou « Not Dark Yet ». Ou « Most Of The Time ». Je vous laisse le choix, hein ?

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51. Parce que « Blood On The Tracks » est l’album des amoureux. Et que si tu as déjà été amoureux dans ta vie, il te parlera et te prendre aux tripes. 
52. Parce que je l’ai vu deux fois en concerts, que je l’ai approché à moins de deux cent mètres et que par conséquent, j’ai vu Dieu et peut mourir heureux. 
53. Parce que grâce à lui, un homme a été libéré de prison et que « Hurricane » est une chanson que même mes amis roots passent en soirée. 
54. Parce que sa musique a toujours été là pour moi, à tous moments, à tous les endroits, quand j’en avais besoin, quelle que soit mon humeur et qu’elle m’a permis d’être un refuge, une différence, un moyen de rencontrer des gens, une passion, un moyen d’expression, une seconde vie.
55. Parce que seul peut chanter pour le Pape ou le Président et rester à contre-courant. 
56. Parce qu’il a présenté le folk au rock et qu’ils se marièrent et eurent de beaux enfants. Les Byrds par exemple. 
57. Parce qu’ « Oh Mercy » de Bob Dylan est le meilleur comeback de l’histoire de la musique. Avec « Time Out Of Mind », de Bob Dylan.
58. Parce que c’est une planète qui ne s’arrête pas de tourner et qu’on n’aura jamais fini d’explorer. C’est pas moi qui dit ça, c’est Tom Waits. À quelques mots près.
59. Parce que tous ceux qui me rencontrent finissent toujours par repartir avec un petit bout de Dylan. Un CD, une anecdote, une passion, un souvenir. Pas vrai les filles ? 
60. Parce que c’est un survivant. Un accident de moto, plusieurs divorces, des poumons malades, un milliard de cigarettes, les années 80. Il s’est pris tout ça sans broncher et est encore là en 2011. 

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61. Parce qu’ « I don’t believe you, you’re a liar… Play fucking loud ! »
62. Parce qu’on a écrit tellement de bouquins à son sujet qu’il y a de quoi remplir une bibliothèque. Et que il y en a encore beaucoup à paraître. 
63. Parce que même toutes les conneries écrites et débités par Hughes Aufrey n’ont pas encore réussi à décrédibiliser Dylan par chez nous. N’empêche, il faut l’empêcher de nuire le Aufrey, ça peut plus durer.
64. Parce que tant que je n’aurais pas chroniqué chacun de ses albums, ce blog continuera d’exister. J’ai encore du boulot…
65. Parce qu’à chaque fois que j’entre chez un disquaire, je commence par fouiller dans le rayon Dylan avec toujours l’espoir de trouver quelque chose de nouveau. Juste pour vérifier. 
66. Parce que je me suis perdu dans les rues de Lisbonne alors que j’étais ivre et que j’avais « Highlands » dans mon mp3 et Dylan m’a guidé pendant quinze folles minutes. 
67. Parce qu’en remontant le fil de ses influences, j’ai découvert Woody Guthrie, Hank Williams et Robert Johnson, la sainte trinité de la folk country blues américaine.   
68. Parce qu’il m’a appris à parler et à comprendre l’anglais.
69. Parce qu’il m’a permis de garder de beaux souvenirs de jeunesse, de catalyser mes rebellions d’adolescents et de passer à l’âge adulte tout en gardant une âme d’enfant. Parce qu’il m’a appris le cynisme et m’a donné les armes pour le combattre. Parce qu’il me rend heureux. 
70. Parce que c’est Bob Dylan et qu’il est éternel. 

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"I was born here and I’ll die here against my will
I know it looks like I’m moving, but I’m standing still
Every nerve in my body is so vacant and numb
I can’t even remember what it was I came here to get away from
Don’t even hear a murmur of a prayer
It’s not dark yet, but it’s getting there"



 

 

Vendredi 9 juillet 2010 à 21:15

Avant de partir pour l'Espagne et le Portugal, et de vous dire au revoir, je profite d'un week-end à tête reposée pour alimenter un peu ce bon vieux blog. En commençant par une playlist de saison. 

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Si on me demande, "donne moi 10 chansons pour passer l'été avec Dylan" et bien je choisirais celle-ci. Dix chansons de Dylan spécial grosse chaleur, torpeur, canicule, et puis aussi farniente à la campagne ou sur la plage.

1) Lily of the West - pour partir à l'aventure 
2) Summer Days - pour les ballades en vélo sur le remblai, à toute vitesse 
3) It Takes a Lot to Laugh, It Takes a Train to Cry [Alternate Version] - pour les embouteillages 
4) My Wife's Home Town - pour bronzer sur la terrasse 
5) The Ballad of Frankie Lee and Judas Priest - pour se promener dans les prés ensoleillés 
6) Early Mornin' Rain' - pour les matins de pluie quand tu sors de la tente 
7) Romance in Durango - pour draguer sur la plage 
8 ) In the Summertime - pour rester au frais
9) The Man In Me - pour gueuler sa joie de vivre 
10) Highlands - pour les nuits blanches caniculaires 
11) Sara - pour le coucher de soleil et la fin des amours de vacances 
12) Main Title Theme (Billy) - pour rentrer chez soi, avec un peu de nostalgie, et un rayon de soleil

Mercredi 7 juillet 2010 à 19:49

En sortant de la gare de Nantes, je sens qu'il y a quelque chose dans l'air, je frissonne. C’est pas tous les jours que Bob Dylan vient jouer à côté de chez moi. La dernière fois, en 2007, il a fallu aller jusqu’à la capitale. Ce fut une première rencontre fébrile, un peu maladroite, mais qui me fait encore trembler lorsque j’y repense. Alors oui, quand j'arrive à Nantes, une certaine angoisse commence à monter alors, pour me calmer, je me cale « Time Out of Mind » dans les oreilles et je monte dans un bus pour me rendre au Zénith. D’ailleurs, valait mieux écouter « Time Out of Mind » que « The Times They Are A-Chagin’ » pour se préparer au concert. 

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Je débarque en fin d’après-midi devant le Zénith, histoire d’avoir une place tout devant, et il y a déjà foule devant les barrières. Tout le monde à la file indienne, et toutes les générations réunis. Des lycéens qui sorte du bac, de vieux connaisseurs qui ont suivi toute la tournée, des familles qui entonnent naïvement « Blowin’in the Wind » et même un gosse d’une douzaine d’années, tout seul, comme un grand. J’avais jamais autant vu de Wayfarer alignés au soleil. Et je me suis rendu compte, en attendant parmi tous ces gens, que ce qui m’inquiétait le plus à l’approche du concert, ce n’était pas la performance du Zim, mais la réaction de son public. 

Dylan je m’inquiète pas, je commence à le connaître. Sa voix usé, son orchestre plein de bonnes volontés mais un peu balourd, sa manière de piocher dans son répertoire et de transformer ses plus belles chansons en gros blues, ça me dérange pas. Au contraire, j’adore le vieux Bobby, son allure de cowboy gâteux, de mexican crooner. Chaque concert est une surprise, et la tournée 2010 est un bon cru, alors pourquoi s’inquiéter. Dylan fait ce qu’il veut, et on le suit si on veut, ça a toujours été le cas. Je dis pas que c’est la même histoire que la tournée 1966 ou que le revirement gospel, mais presque. La relation entre l’artiste et son public est toujours problématique, compliqué et comme Dylan est le roi de l’incohérence, ça n’arrange rien. Alors quand j’entends autour de moi, et j’invente rien, des gens parler de lui comme d’un « troubadour engagé », « une sacré légende » ou « du mec qui a inspiré Hugues Aufray », oui, je m’inquiète.  

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Après avoir attendu sous une chaleur épouvantable, j’entre dans une salle où il fait encore plus chaud. Les gens s’agglutinent autour de moi, je dégouline de sueur mais je suis au premier rang. Première victoire. Il faut juste faire un gros effort pour faire abstraction des deux cons qui me marchent sur les pieds en gueulant « Bobby ! » et en réclamant « Soufflés dans le Vent ». Après la traditionnel annonce grandiloquente (et il faut bien le dire, ridicule), les musiciens débarquent, et Bob Dylan apparaît, un grand sourire aux lèvres. 

Un grand sourire aux lèvres. Il faut se pincer pour le croire. La canicule lui a peut-être abimé le système ou bien il a un peu trop bu de vins régionaux en coulisses, je n’en sais rien. Ce sourire dérangeant, lui donnant un peu l’air d’un vieil oncle pas clair, il va le garder jusqu’à la fin. Et finalement, c’est assez réjouissant de le voir s’amuser, prendre du plaisir à jouer. C’est pour ça qu’il tourne sans relâche depuis vingt ans, c’est parce que son bonheur, il n’y a que sur scène qu’il peut le trouver. Alors il se met derrière son clavier, et les autres le suivent, l’air très détendus malgré leurs costumes de mafieux. 

Musicalement, pas de surprises. On alterne entre blues poisseux et moments de grâces.  Charlie Sexton, le guitariste, entre en transe sur « Rollin’ & Tumblin’ », « High Water » ou « Cold Irons Bound », formidables morceaux de bravoure, où Dylan se ballade tranquillement. Les nouveaux arrangements de « It Ain’t Me Babe », « Stuck Inside of Mobile » et « Visions of Johanna » sont de toute beauté, et c’est un privilège de pouvoir les entendre, de pouvoir recevoir ces monuments en pleine face, remaniés ou pas. Il s’amuse tellement le Dylan qu’il laisse chanter le public sur le refrain de « Just Like A Woman » mais comme la moitié de la salle ne l’avait pas reconnu, c’est un bide. Comme pour « Shelter From the Storm », peut-être mon morceau favori, qui se retrouve massacré en bonne et du forme. J’oublie ma déception très vite en tapant du pied sur un « Thunder On the Mountain » déchaîné. 

Pour moi, les deux grands moments restent « What Good Am I ? », où le temps s’arrête, où j’oublie tout, la chaleur, le public, le dos douloureux, où seul la voix rauque qui résonne dans la salle n’a d’importance. Et puis « Ballad of A Thin Man », qui a retrouvé de sa splendeur, qui est magique, déclamé avec fougue, un peu à la manière d’un gospel. Ah oui et l’harmonica est de retour. Pas juste pour un morceau non, Dylan n’a pas arrêté de souffler dedans la plupart du temps. Pour le meilleur comme pour le pire. Avec un véritable conviction en tout cas. En levant les mains au ciel, en esquissant quelques pas de danse, comme un chef d’orchestre sénile. Un harmonica scotché à un micro. C’était très drôle, et parfois somptueux. 

Il faut juste oublier ce rappel un peu forcé, où Dylan balance « Like A Rolling Stone » et « Blowin’in the Wind » sans grande conviction comme pour satisfaire ceux qui ont payés pour ça. N’empêche que c’est très mauvais et que même après 50 ans de carrière, c’est douloureux de le voir faire des compromis pour un public qu’il a toujours su diviser avec soin. 

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Une performance inégale donc, mais qui dans ses plus grands moments nous a montré un Dylan majestueux, dont l’aura survole un groupe parfois un peu maladroit, pour nous révéler toute la mage encore caché parmi ses chansons. Dylan a vieilli, ne semble plus avoir toute sa tête, mais il est encore là, et il ne semble pas vouloir partir. Un jour, il va mourir sur scène, et quand je le vois partir après son rappel, sans adresser un mot au public, je me dis que c’est probablement la dernière fois que je l’aperçois. Un concert inégal oui, mais une expérience inoubliable. 
Je sors, il fait plus frais dehors. Comme un con, je m’ouvre le genou en trébuchant par-dessus une barrière. Je boîte et je continue de marcher. Les voitures sur le parking manquent de m’écraser, moi je fonce, encore sur mon petit nuage. J’entends des gens qui se plaignent, qu’ils s’attendaient pas à ça, que Dylan n’est plus le même. Moi je suis ravi. Je ne me plains pas. Je savoure. 

Dylan n’est plus le même, Dylan est un autre, Dylan est éternel. 

Mercredi 23 juin 2010 à 19:27

On m'a demandé pourquoi j'aimais autant Bob Dylan. Bah oui tiens, pourquoi j'aime autant Bob Dylan ? Pourquoi il squatte mon blog depuis le début, pourquoi j'en parle tout le temps ? Pourquoi cette obsession ? Comme j'ai rien de plus à faire aujourd'hui (à part apprendre par coeur ce qu'est une anadiplose, une antépiphore et autre paranomase) je vais prendre le temps de vous expliquer le pourquoi du comment de tout ça. 

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Ceux qui suivent ce blog régulièrement et subissent depuis toujours mes chroniques à rallonge savent que c'est par accident que je suis tombé sous le charme du musicien. Un coup de foudre. Je vous la fais en accéléré. J'ai à peine 16 ans : "No Direction Home" de Scorcese, premier choc. Le jour de mes 16 ans : "Highway 61 Revisited" premier trésor. 2007 : découverte du reste de la discographie, de "Freewheelin'" à "Desire" en passant par "Blonde On Blonde" et "Nashville Skyline" sans oublier "Blood On The Tracks" (et je ne cite que mes favoris). Avril 2007 : premier concert, à Paris Bercy, c'est magique, les larmes aux yeux. Et puis la suite, c'est les bootlegs, les bouquins, les forums, les chroniques, la folie, Dylan est partout. 

Donc voilà pour l'historique. Mais pourquoi ? Donc, par hasard au début, et un hasard que j'ai jamais vraiment su expliquer. Je dis que je crois pas au destin mais parfois, c'est tout comme si j'y croyais. Parce que c'est tout comme si la musique de Dylan et moi étions fait pour nous rencontrer. Franchement, je ne serais probablement pas celui que je suis aujourd'hui sans être passé par là. Dylan a "ouvert mon esprit" (c'est de Springsteen, pas de moi) et m'a aidé à me forger une identité, à évoluer en marge des autres. Il a renforcé mon désir d'Amérique, mes idéaux. Ma culture musical. Ma sensibilité. Je suis ce que je suis, et Dylan en fait partie. 

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Oui d'accord, mais on en revient au pourquoi. Pourquoi lui et pas un autre ? Encore une fois, j'en sais trop rien. Déjà, je pense qu'il y a identification. Je marche souvent par identification. Le gamin qui imite Woody Guthrie pour se forger un caractère et se construire un destin. Qui est né loin de chez lui et doit y retourner. Ca me touche directement ça, ça me parle. Et puis il y a des raisons plus évidentes. Dylan est un génie de la musique, un poète, un homme aux multiples facettes, au parcours étourdissant. C'est la qualité de son oeuvre qui me fait l'aimer autant. Et puis sa richesse aussi. Se plonger dans l'oeuvre de Dylan et dans l'histoire de sa vie, c'est une aventure qui ne s'arrête jamais. C'est une grande fresque qui, si jamais elle vous passionne et pénètre peu à peu votre esprit, votre imagination, ne peut plus jamais vous quitter. Dylan, c'est la démesure. Il entre dans ta vie et même si parfois tu le laisse un peu dans son coin (oui ça m'arrive d'écouter autre chose quand même), il reviendra forcément. Mais il y en a plein d'autres des artistes comme ça hein. En tout cas, moi j'ai trouvé le mien, et je risque pas d'en changer de sitôt. 

Dylan me console, m'apaise et parfois, il sait aussi me redonner l'énergie nécessaire, la rage de vivre. Avec lui, je m'offre de longs trips égocentriques et solitaires, je pars loin, très loin. Pourquoi lui et pas un autre, j'en sais rien. C'est comme ça. C'est parfait. Et c'est loin d'être terminé. 


Jeudi 17 juin 2010 à 23:44

J'ai déjà beaucoup parlé de mon amour pour la période gitan de Dylan, entamée en 1975 avec l'album "Desire" et la Rolling Thunder Review. J'ai beau savoir que derrière tout ce cirque grandiloquent, il y avait des histoires de gros sous, je suis captivé par cette folle aventure. Inégale, la tournée a tout de même offert de grands moments, que l'on peut retrouver sur le Bootleg N°5 ou bien sur ce "Hard Rain", publié en 1976, après la dissolution de l'équipe. Beaucoup ont reproché à ce témoignage d'avoir saisi la pire partie de la tournée, celle où la magie avait disparu, où l'envie n'était plus là et que l'aspect communautaire et à l'ancienne avait laissé la place à de lucratives démonstrations de forces dans des stades, sans vraiment d'âme. Et bah moi je ne suis pas d'accord. Je trouve justement que c'est magique, que c'est plein d'âme et je me fous, comme d'habitude, de savoir si Dylan est sincère ou pas, si les émotions sont authentiques, si le contexte change la donne, je m'en fous, je me concentre sur ce que cet album me procure, c'est à dire une véritable claque. 

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Le titre piquée à un moment de bravoure remontant à son deuxième album n'est pas anodin. Il fait référence à toutes les emmerdes qui se sont enchaînés pour mettre en place cet enregistrement. D'abord une émission de télé manquée, puis un Dylan lunatique qui picole en montagne et enfin, un concert dans un stade du Colorado où une tempête finit de compléter ce gigantesque merdier. Et pour bien nous faire comprendre que c'était pas la joie, il y a cette pochette, avec un Dylan en gros plan qui nous lance un regard noir, méfiant. Après avoir joué les campagnards, les cow-boys et les romantiques, revoilà que le Zim est reparti dans ses excès et nous rejoue les frustrations de la tournée électrique, dix ans plus tôt, lorsqu'il se fait siffler tous les soirs. L'alcool a remplacé la drogue, le génial poète a perdu un peu de sa verve créatrice, mais on peut facilement faire le parallèle.  

On le sait, Dylan n’aime pas faire sonner une chanson de la même manière et pour le meilleur comme pour le pire, il s’amuse à changer la forme, influençant parfois le fond, de tout son répertoire, selon l’humeur, le contexte, la motivation. La plupart de mes titres favoris sont représentés ici, dans des versions très éloignés des originaux. Dans un style country-rock décoiffant, « Maggie’s Farm » défile à toute allure, Dylan ne chante pas, il meugle, il saute des couplets, il fonce. Bon, rien d’anormal non plus, cette chanson là a déjà été utilisée comme une entrée fracassante par le passé, rappelez-vous, Newport, en 1965. Si Pete Seeger était dans le coin, il aurait encore voulu couper les fils à la hache. Surtout que personne ne s’attendait à voir la ballade acoustique « Too Many Mornings » transformé en grandiloquente démonstration de guitares qui s’affolent et de violons qui tourbillonnent, dans un son typique de la Rolling Thunder Review. Un son qui sied très bien à « Stuck Inside of Mobile », une chanson qui m’a toujours évoqué un voyage en train à toute allure, et qui passe ici la vitesse supérieure. Dylan est peut-être bourré, peut-être qu’il avance les yeux fermés, mais quand il gueule les refrains, c’est très puissant. Je trouve. 

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Le violon de Scarlet Rivera était l’un des atouts majeurs de « Desire », de son ambiance si particulière. Il fait encore une fois des merveilles sur ce poignant « Oh, Sister », qui parvient à m’émouvoir, à tous les coups. Surtout quand le rythme s’accélère, que la voix monte en puissance, que la foule retient son souffle, et que Dylan balance le refrain avec un vrai sens de la mélancolie. C’est un truc qu’il ne faisait déjà plus à l’époque, mais on l’imagine avec sa peinture blanche sur la gueule, sa tenue de guerrier gitan et ses poings qui s’agitent autour du micro. De quoi avoir des frissons. 

Celle qui décoiffe le plus, c’est surement « Lay Lady Lay », à mille lieux de la sucrerie country, à des kilomètres de la sensualité de l’originale, presque un contresens. C’est selon moi le morceau le moins convaincant de ce live, car il faut avouer que ses chœurs, si on ne joue pas le jeu, sont un peu écœurants à la longue. Mais sans transition, direct après, c’est mon passage de prédilection, « Shelter From the Storm ». Poignante ballade de « Blood on the Tracks », elle est ici tout sauf un abri en cas de tempête. C’est une tempête à elle toute seule cette version, quasiment reggae, avec la basse de Rob Stoner qui tremble dangereusement, Dylan qui gueule comme l’orage qui gronde. Un moment de bravoure, hypnotisant. 

« You’re a Big Girl Now » est un océan de douceur dans ce combat acharné. Je parle de la manière dont elle est joué, plus calme, avec des violons qui se font plus apaisés. Parce qu’au niveau du texte, c’est toujours la même amertume, les mêmes regrets. Avec un texte beaucoup moins subtile, un peu plus niais, mais tout aussi délicieux, « I Threw It All Away » joue sur l’effet inverse, et Dylan se remet à en faire des caisses, de manière un peu chancelante, mais avec beaucoup d’émotions. C’est une chanson plutôt classique, mais je l’ai toujours adoré, particulièrement dans cette version dopée. 

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Que cette tempête vous soit passée au dessus de la tête ou qu’elle vous ait complètement abattue, le vent qui vient souffler sur le champ de bataille mettra tout le monde d’accord. S’il ne vous faut qu’une raison d’acheter cet album, c’est le « Idiot Wind » qui vient conclure la parade. S’étendant sur plus de dix minutes, c’est une dernière charge contre l’ennemi, desespéré mais où Dylan va puiser ses dernières forces, y va à fond, comme pour nous achever. L’orchestre se démène derrière pour tenir la route tout le long à ce morceau qui, même si Dylan s’est amusé à le nier, semble tout de même une charge envers son ex-femme, Sara, l’amour de sa vie, la fille aux yeux tristes. On l’entendrais presque pleurer Dylan d’ailleurs. Pleurer comme un ivrogne qui titube à la sortie du bar et vomit son malheur dans de sombres ruelles. 

« Hard Rain », une expérience punk, j’en sais rien. En tout cas, Dylan se montre une fois de plus très destructeur, et toujours aussi passionnant. Un live à ressortir lorsqu’il pleut dehors, forcément. Il suffit d’ouvrir grandes les fenêtres, de mettre le son à fond, de se servir quelques verres et de laisser la tempête vous foutre en transe. 

 

Mercredi 16 juin 2010 à 1:57

Le Dylan électrique, c’est comme l’Occupation française, on ne peut pas savoir de quel côté on aurait été, celui des défenseurs ou des opposants du génial poète. Ce que l’on peut savoir néanmoins, avec le recul, c’est que ce concert au Royal Albert Hall, est le témoignage live le plus puissant jamais publié.

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En l’écoutant, dans le noir, les yeux fermés, c’est toutes ces images de « No Direction Home » qui reviennent en tête. D’abord, un Dylan pâle, amaigri, usé par une tournée anglaise aussi épuisante physiquement que mentalement. Les drogues qui circulent, les nuits sans sommeils, les hôtels où trainent les parasites. Un type tout faible qui affronte une horde cruel, et commence tranquillement, avec une partie acoustique terrifiante. Parce que c’est un fantôme, Dylan, il n’est pas là, il hante la salle, avec de longues improvisations dans son harmonica, et une voix trainante, qui n’y croit plus du tout. Pourtant, c’est beau. De longs poèmes vomis comme s’il voulait s’en débarrasser. « Visions of Johanna » n’a jamais aussi bien sonné, résonnant dans le vide, « the country music station play soft » et Louise tient des poignées de pluie, personne ne peut la défier. C’est à vous glacer le sang. Dylan ne peut pas lutter, jamais il n’a semblé aussi divin, comme s’il détenait une vérité absolue et qu’il était seul face à l’univers. Alors il continue, inlassablement, on a l’impression qu’il pleure parfois, il me fait pleurer. L’harmonica sur « M.Tambourine Man » me fait pleurer. C’est la mort d’un homme, la fin d’une époque, un tas de sentiments qui s’envolent à chaque fois qu’il souffle dans ce maudit harmonica, comme si son âme lui échappait. Je crois bien que le moment le plus émouvant de toute la discographie de Dylan, c’est cet harmonica, à ce moment précis.

Dylan est mort, et il ressuscite devant les yeux d’un public qui ne peut pas l’accepter, qui ne comprend pas. Comment leur en vouloir, on était pas là, à leur place, on ne peut pas juger, on a trop de recul pour ça. Et avec le recul, on peut dire que c’est puissant, très puissant. On tremble dès que les premiers coups de tonnerres retentissent, dès que l’électricité est enfin dans l’air. Dylan fait jouer ses copains avec lui, il peut enfin s’amuser, laisser toute la rage qu’il a contenu dans son harmonica pendant le set acoustique nous exploser à la gueule. Je frémis dès que j’entends le groupe s’accorder, ces premières notes d’orgue et ces bruits de pas. Et d’un coup, c’est parti et on n’arrête plus les Hawks. « Tell Me Momma », et Dylan sort du coma. Il est libre et va droit devant. Il gueule dans son micro, agitant les bras dans tout les sens, dans une posture qui lui donne un air plus christique que jamais, avec ce rayon de lumière qui l’entoure. Le public est sur le cul, et Dylan s’en fout, il plaisante, se fout de la gueule du monde. Il est déjà en transe et hors du monde lorsqu’il attaque « Just Like Tom Thumb’s Blues », et se ballade Rue Morgue sous acide. Impossible d’arrêter la machine, on est hypnotisé par cette voix qui vomit du désespoir et de la haine au fur et à mesure que le public devient hostile, que même le plaisir échappe à un gamin qui, à l’origine, est un artiste de music-hall, pas un putain de chanteur folk, il veut la piétiner cette enveloppe. Alors qu’il se transforme, personne ne le regarde ou l’écoute, il se fait juste siffler. « Ballad of a Thin Man » et son orgue virevoltant, on dirait qu’elle est joué dans une véritable église cette chanson, c’est un sermon acerbe jeté en pâture aux moutons, et Dylan se marre, mais au fond, il souffre, ça ne l’amuse plus tant que ça de faire le pitre.  

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Et « Judas » finit par tomber, aussi rigolard que cruel. Il est fier de lui, le malin. Et Dylan de répondre que c’est un menteur, et que pour calmer les menteurs, pour prouver que lui il a raison, il ordonne à ses camarades de jouer putain de fort. D’envoyer la sauce et au fond, on entend ce son de caisse tellement familier. Vlan, c’est parti, la plus géniale, la plus folle, la plus puissante des versions de « Like A Rolling Stone » débute. Il faut avoir les images en tête, visualiser Dylan, seul contre tous, dans une dernière joute avec son public, s’égosiller, laisser le refrain monter au ciel, « How Does It Feeeeeel », et l’harmonica dont ressort une fureur, terrible. Allez, rien à foutre, prenez ça dans vos gueules, moi je me casse. Rideau. Hymne nationale. Bruits de pas. Portes qui claquent. Et quelques mois plus tard, pneus qui glissent et la folle tournée est stoppée net.

Parfois oui, j’aime éteindre la lumière, allumer des bougies, et écouter ce disque au casque. Revivre ce moment que j’ai l’impression d’avoir vécu mille fois. Avoir la chair de poule. Avoir moi aussi envie de gueuler, de tout foutre en l’air. C’est le concert le plus fou et le plus puissant et le plus beau qui existe, que je connaisse en tout cas, une véritable expérience religieuse, pleine de symboles, avec un martyr et à la fin, on ne sait plus qui trahit qui. On sait juste que ce cri de désespoir, il fait autant de mal que de bien, avec du recul ou pas, c’est une aventure à chaque écoute, un film, quelque chose de mythique. C’est Bob Dylan, à son apogée.   

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