Dylanesque

Don'tLookBack

Jeudi 14 janvier 2010 à 0:13

Ce qui devait arriver arrive, et en 1994, Dylan enregistre son MTV Unplugged, qui sera publié l'année suivante et lui offrira un succès commercial. Et le résultat n'est pas de la première fraîcheur. On sent Bob rouillé, pas vraiment convaincu et sincère. Le tout est un peu forcé, et le temps semble un peu long, on s'ennuie. Rien à reprocher aux chansons, que des classiques, impeccables. Mais leur interprétation est sans âme la plupart du temps. Trop froides.

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À l'origine, Dylan voulait un set composé de traditionnels de la folk américaine, mais la chaîne en a décidé autrement. Alors tant pis, puisqu'il le faut, et que le fabuleux "Time Out of Mind" est pas encore prêt, on se colle à la tâche, comme un fonctionnaire. Comme une légende qui n'a rien de plus à faire. La voix nasillarde est là, l'harmonica et la guitare acoustique aussi, et Bob imite Dylan. De "The Times They Are A-Changin'" à "Knockin' On Heaven's Door" en passant par "Like a Rolling Stone".

On est en droit d'attendre un peu mieux, mais l'album ne manque pas complétement d'interêt non plus. Entendre "Love Minus/Zero Limit" est réconfortant et on sent Bob beaucoup plus concerné lors de "John Brown", un traditionnel folk, qu'il a quand même réussi à placer dans son set. "Rainy Day Women" est un peu étrange dans cette version dépouillé tandis que "Desolation Row" perd de sa puissance, ronronne et cette version n'arrive pas à la cheville de celle qu'on retrouve sur le Bootleg N°4.

Rien de nouveau sur ce "MTV Unplugged", qui ravira surtout les collectionneurs, et les amateurs curieux comme moi. Au moins, le son est claire, le backing-band est plutôt compétent et cette collection de classiques fait toujours son petit effet.

Mercredi 13 janvier 2010 à 21:11

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1974, et le premier album live de Dylan. Il est déjà loin le temps des "Judas" et de la colère des adorateurs de la première heure. Depuis, Dylan a eu le temps de prendre un peu de repos, de faire les 400 coups avec le Band, d'épouser Sara, et d'enregistrer quelques bons albums, dont "Planet Waves", le dernier en date. De retour sur le devant de la scène, Dylan décide de la prendre d'assaut. Histoire d'emmerder une nouvelle fois le monde entier et surtout, de se faire un paquet de dollars. Merci à George Harrison pour lui avoir redonné le goût de la scène lors du concert pour le Bangladesh.

Le Band au complet dans son dos, Dylan est prêt. Son répertoire est un tour d'horizon des grands classiques, de "Blowin' in the Wind" à "Like a Rolling Stone", au tout récent "Knockin' On Heavens Door". Et là, il peut se faire plaisir, le Bob. Y a plus grand monde pour lui dire de reprendre sa guitare acoustique, et Pete Seeger n'est pas dans les parages pour couper les fils électriques à coup de haches. Alors, il y va à fond et se lance dans une grande tournée lucrative, qui sera un gros succès. Et permettra d'accoucher de ce double album, qui compile le meilleur, agrémenté de quelques titres du Band, en pleine ascension. Le résultat est à la hauteur. Un son puissant, des chansons qui nous explosent à la gueule dès l'incisif "Most Likely You Go Your Way (And I'll Go Mine)", un bon gros ouragan où Dylan se fait plaisir, gueule comme rarement, gonfle sa voix et fait souffler non plus le vent, mais la tempête.

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L'amateur de Dylan que je suis prend son pied au son de ces nouvelles versions, qui annoncent avec des années d'avance le Never Ending Tour, où chaque titre trouvera une nouvelle couleur au fil des concerts. Tout ici est survitaminé ("Rainy Day Women"), grandiloquent mais beau à pleurer sur les morceaux les plus tendres ("It Ain't Me Babe"). Si la "Ballad of a Thin Man" perd de son côté hypnothique, elle gagne en violence, en rancoeur. Plus tard, Dylan tente d'imiter Jimi Hendrix et sa reprise de "All Along the Watchtower". Mais le clou du show, c'est "It's Alright Ma (I'm Only Bleeding)", où il gueule que le président doit parfois se retrouver tout nu, devant une foule immense d'américains, alors que les troupes sont encore dans la merde jusqu'au cou au Vietnam, et que le scandale du Watergate vient de rendre Nixon encore plus antipathique. Plus vraiment question de folk, mais la protestation n'a pas complétement disparu. Et le plaisir, la ferveur fait plaisir à voir. Les chansons du Band sont de qualité, mais on y jetera bien sûr une oreille plus discrète. Pour scander les refrains de "Like a Rolling Stone", et pour chialer dans sa bière froide au son de "Just Like a Woman".

Avec "Hard Rain", il s'agit du live le plus puissant, le plus grand du Zim. Où le monsieur rejoue ses classiques tout en combattant la nostalgie de son audience. Le témoignage d'une période étrange, torturé, qui verra naitre l'année suivante le chef d'oeuvre "Blood on the Tracks".

Mardi 12 janvier 2010 à 12:10

Une chronique écrite il y a deux ans, sur mon premier blog. Retrouvé dans un vieux dossier... 

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De l'électricité dans l'air... Normal, Dylan branche sa guitare pour la première fois sur la première face de cette album légendaire. Premier de la trilogie électrique.

"Subterranean Homesick Blues" annonce la couleur. À coups de slogans : 'Don't follow leaders ; Watch the parkin' meters'. Vient ensuite "She Belongs To Me". Un petit bijou. Un de mes Dylan favoris. Une chanson d'amour douce et tendre. Un amour de chanson. 'She's got everything she needs, She's an artist, she don't look back. She can take the dark out of the nighttime And paint the daytime black.'
Et puis tout s'enchaîne, le génie est en marche, ça s'accélère... "Maggie's Farm" remet les idées en place, l'air de rien. "Bob Dylan's 115th Dream" démarre comme une farce pour mieux brasser une multitude de références, de Christophe Colomb à Jésus. "Love Minus/Zero Limit", c'est un titre original et c'est une chanson d'amour d'une tendresse innatendue.
"My Love She Speaks Like Silence" : Dylan s'attaque à la poésie et il a les armes pour. Il déchaîne les images, enchaîne les vers, et chamboule notre esprit. Avec "Mr Tambourine Man" par exemple, un classique, qui derrière ses airs un peu naifs, renferme une profonde mélancolie et une mélodie simple qui me rassure. Une petite lumière dans la nuit. Une invitation aux paradis artificiels. 

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La nuit semble donc bien tombée et on s'accroche à la voix de Dylan comme à un phare dans l'obscurité. Une voix qui inquiète lorsqu'elle chante "Gates of Eden", une chanson de fin du monde, un poème crépusculaire, qui donne des frissons. "Tout, absolument tout peut s'écrouler / Dans un souffle assourdissant mais insignifiant / Aucun son ne vient jamais des portes d'Eden". Même chose pour "It's Alright Mama (I'm Only Bleeding)" qui annonce des temps plus sombres que jamais. La guitare sèche est de retour, elle assène des coups, elle est tranchante comme une lame de couteau. Elle fera tomber des têtes, elle fera chavirer des esprits. Et le mien au passage... 'Pas besoin de regarder bien loin pour voir que peu de choses sont vraiment sacrées'
Pour retrouver un peu de chaleur, "It's All Over Now, Baby Blue". La voix de Dylan se fait plus chaleureuse, moins tranchante. Et bien que la chanson soit emplie de mélancolie, on croit voir de la lumière... 'And it's all over now Baby Blue'...

Dimanche 10 janvier 2010 à 18:17

Histoire de compléter la longue discographie de l'ami Dylan, je m'arrête un instant sur ce "World Gone Wrong", paru en 1993. Le deuxième volet d'un retour aux sources pour un artiste en perte de vitesse, qui se remet doucement des cruelles années 80.

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"Good As I Been to You" était plutôt convaincant, alors on nous ressert plus ou moins la même chose. Des classiques oubliés d'une musique ancestrale, le folk américain qui convoquent les fantômes de Blind Willie McTell ou bien Willie Brown. Les ballades que le jeune Robert Zimmerman apprenait par coeur, chérissait comme un chercheur d'or, et qu'il partagera de nouveau, bien plus tard, avec son émission de radio.

Bien que le tout ronronne un peu parfois, on sent une vrai authenticité, un hommage sincère, un Dylan qui est là, vraiment là. Sa voix commence à vieillir, mais apporte de la puissance aux morceaux, affirme leur aspect ancestrals, historiques. C'est un plaisir de retrouver la guitare folk, l'harmonica, et surtout, un artiste concerné par ce qu'il fait. Rien de nouveau ici, mais de l'ancien que l'on découvre avec la nostalgie d'un temps qu'on a pas connu, qu'on se plait à imaginer. "Blood in My Eyes" est le sommet du disque, bouleversant.

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Loin d'être un classique, cette collection de reprises est honnête, facile d'accès et réconfortant. Il ne prend plus de risques Bobby, mais on peut pas lui reprocher un peu de confort. "World Gone Wrong" trouvera sa place, tout comme son prédécesseur, au coin de la cheminée, avec le chat sur les genoux, qui ronronnera de bon coeur, à l'image de ce bon vieux Dylan...

Dimanche 3 janvier 2010 à 16:31

Bob Dylan vous manquait ? Le revoilà. Je n'ose pas encore vous parler de Blonde On Blonde, de Desire, ce serait comme gravir une montagne que d'écrire des chroniques concernant ces albums. En attendant de pouvoir trouver les mots, je vais de nouveau faire un tour de la discographie du Zim, en me focalisant cette fois sur les albums live. Et pas les plus réjouissants...

Moi, Dylan, je l'ai vu à Paris, en avril 2007. Et c'était bien mieux. Mais ce sera pour une autre fois...

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Sorti en 1979, cet album live retrace deux des huits concerts donnés par le Zim au Nippon Budokan de Tokyo.
Si je trouve personnellement "Street Legal" comme un bon album (certes inégal), je ne peux pas en dire autant des concerts de Dylan à la même époque. Agrémenté d'arrangements digne d'un show à Las Vegas, la plupart de ces morceaux live n'apportent rien de plus et nous montrant un Dylan qui n'est plus du tout à l'aise avec ses anciens morceaux ("The Times They Are A-Changin'" sonne tellement faux...). Dylan joue les révisionnistes, certes, mais on l'a connu plus inspiré, même dans le récent "Never Ending Tour", pour redonner de nouvelles couleurs à ses vieux morceaux. Le rythme d'"I Want You" est ralenti, "Going, Going, Gone" est accélérée... On sent de l'improvisation ça et là, on sent quelque chose de peu maitrisé, de chevrotant... Il arrive pourtant que la magie opère ("Simple Twist of Fate", "Love Minus Zero/No Limit") mais deux disques, c'est beaucoup trop long.

A côté de live comme "Hard Rain" ou "Before the Flood", celui-ci ne décolle jamais vraiment et n'apporte pas grand chose, n'a pas un réel interêt. Si Dylan peut faire des merveilles en reconstruisant ses classiques, ce n'est manifestement pas le cas avec ce live à Budokan.

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Un live retraçant la tournée européenne de l'artiste en 1984: l'album Infidels venait de sortir et si on le compare aux sombres daubes de la décennie (excepté Oh Mercy), il était plutôt honorable. Ce qui nous donne un live plutôt écoutable, même si ronronnant parfois. Mick Taylor est à la guitare, Carlos Santana est également de la partie, tout le monde est là pour renflouer les caisses.

Les morceaux d'Infidels fonctionnent plutôt bien, mais ont perdu de leur saveur. Où est passé la rythmique reggae de "I and I" ? Et puis pour le reste, c'est la nostalgie qui l'emporte. Le "Highway 61 Revisited" du pauvre en guise d'ouverture, un "Girl From The North Country" qui manque de sincérité et un "Tangled Up In Blue" un peu pâlot. Mais je dois avouer que "Ballad Of A Thin Man" et "Tombstone Blues" sont rondement menés.

Pas de quoi se taper le cul par terre donc, mais ce live n'est pas aussi mauvais que celui de Budokan ou encore pire, celui avec Grateful Dead. Les amateurs ne cracheront pas dessus, les autres perdront leur temps.

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En 1987, Bob Dylan a l'idée saugrenue de se lancer dans une tournée des stades en compagnie de Jerry Garcia et de son vieillissant Grateful Dead. En guise de témoignage de cette série de concerts, cet album live, Dylan & The Dead, regroupant sept morceaux du Zim, allant de "Knockin' On Heavens's Door" au plus rare "Joey". D'emblée, la pochette annonce quelque chose de très mauvais goût...

D'après certains bootlegs, il apparaît que la collaboration de Dylan et Garcia n'a pas été vaine, intéressante parfois. Ce n'est pas l'image qu'en donne cette sélection de morceaux plus ennuyeux les uns que les autres. Des chansons merveilleuses qui sentent ici la poussière et l'humidité. C'est triste à entendre et mal produit.

L'album live le plus mauvais de Dylan, mais également un zéro pointé dans la discographie du Grateful Dead (déjà pas très reluisante à mon goût). À l'écoute de tant de médiocrité, on se dit qu'il était vraiment temps pour Dylan que les années 80 s'arrêtent...

Dimanche 22 novembre 2009 à 12:25

Allez Bob, fini la grosse blague chrétienne. On a bien rigolé, eu le droit à de ravissantes chansons au long de ces trois albums bancaux ("Every Grain Of Sand", "I Believe In You", "Pressing On", "Heart Of Mine") mais maintenant ça suffit. Recentre toi et fais nous oublier que les années 80, ça pue du boudin !

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Infidels sort en 1983 et nous réconcilirait presque avec un artiste qui ne sait plus trop quoi inventer. C'est pas encore gagné, Daniel Lanois n'est pas encore dans les parages, et on devra se contenter de Mark Knopfler (sic). Mais en écoutant avec attention cet album, on retrouve le souffle poétique du Zim, et des chansons bien composés, qui tiennent la route. Certes, le tout a un peu vieilli et est toujours à la limite de l'écoeurant (merci monsieur Knopfler), en partie à cause des instrumentations qui étouffent parfois certaines chansons. Un exemple : "Don't Fall Apart On Me Tonight", qui malgré son rythme enlevé et entraînant, souffre d'un aspect pompier qui peut vite devenir épuisant. De la même façon, les rocks "Neighborhood Bully" et "I and I" peinent à convaincre et s'épuisent bien trop vite.

Pas vraiment de classique à l'horizon mais des chansons pas dégueulasses comme "License To Kill" ou la ballade délicieusement mielleuse "Sweetheart Like You" dont le titre annonce la couleur. "Jokerman" est mémorable, avec son rythme reggae, inhabituel chez l'artiste, et un texte qui figure dans ce qu'il a écrit de meilleur dans la décennie. Dylan renoue également avec l'engagement politique, au détour d'un "Man Of Peace" qui manque un peu de subtilité. "Neighborhood Bully" évoque le conflit israëlien tandis que "Licence To Kill" se fait l'écho de l'appétit destructeur des hommes.

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Et puis il y a la voix. Elle fera fuir les récalcitrants et laissera perplexe ceux qui ont appris à l'apprivoiser. Il râle plus qu'il ne chante, mais c'est comme ça qu'on l'aime, n'est ce pas ? Ca fonctionne sur certaines chansons, agace sur d'autres ("Union Sundown" est peut-être la moins convaincante du lot).

Inégal, souffrant de longueurs, Infidels ne parvient pas à se hisser au niveau des meilleurs albums de Dylan, mais c'est à l'époque une belle surprise, qui même si elle a passé difficilement l'épreuve du temps, reste agréable à écouter.

Samedi 21 novembre 2009 à 15:25

J'avais dit que j'allais bientôt trouver le courage pour revisiter les monuments "Bringin'it All Back Home", Highway 61", "Blonde On Blonde", "Blood on the Tracks", "Desire"... Au lieu de ça, je joue la facilité en vous parlant des albums de Dylan qu'il vaut mieux éviter. Vous l'avez vu avec ma dernière chronique, je sais aussi être objectif et reconnaître que l'artiste n'a pas toujours pondu de grandioses albums. Il y a aussi du moyen, voir du carrément mauvais...
Jugez plutôt...


Saved (1980)

Dans la continuité de la reconversion chrétienne du Zim, annoncé avec l'inégale Slow Train Coming, Saved est l'album qui fait entrer Dylan dans la pire de ses périodes. Nous sommes en 1980, faites vos jeux, rien ne va plus...

Les relations entre musique et religion n'ont jamais été très simples et Dylan n'arrange rien. Lui qui avait tellement renié l'étiquette de "prophète" qu'on lui collait dans les sixties, il nous tend désormais le bâton pour le battre. Comme l'indique le titre et l'immonde pochette, c'est la foi qui nous sauvera. Et Dylan s'efforce de nous le prouver avec neufs nouvelles chansons, tournant essentiellement autour du Tout-Puissant et de ses vertus. Le tout enrobé d'une couche de gospel. Dans cet espèce d'enthousiasme fanatique, Dylan déclame qu'il a été sauvé par le sang de l'agneau et qu'il est heureux maintenant. C'est que c'est un malin, Dylan, capable de toutes les contradictions, toujours dans le but de se réinventer et de ne pas être là où on l'attend. Sauf que du coup, avec Saved, il s'élève un peu trop haut, la vie terrestre ne semble plus lui importer et nous, pauvres mortels, on reste un peu perplexe...

Si je devais en garder une ? "Pressing On", où Dylan nous invite une nouvelle fois à ne pas regarder en arrière, et il est appuyé de manière réussie par des choeurs gospel. Même si les choeurs étaient bien plus écoutables sur Street Legal, sorti deux ans plus tôt, à la couleur musicale très proche, mais bien plus réussi.

Et puis après quarante minutes de souffrance, tout se termine par l'apocalypse. "Are You Ready" demande Dylan. Prêt pour une décennie d'albums assomants ? Pas vraiment, non...

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Shot of Love (1981)

Troisième et dernier volet de la trilogie chrétienne, Shot Of Love est à l'image de son affreuse pochette : de mauvais goût. D'un Dylan qui semble peu concerné par ce qu'il chante à un son qui rend l'écoute difficilement supportable, il s'agit d'un album à déconseiller. Et à part peut-être pour Infidels, les albums du Zim durant les années 80 seront du même acabit, de sombres daubes peu recommandables.

Mais dans chacun de ses albums, le jeu sera de trouver la perle cachée au milieu des ordures. Ici, c'est "Every Grain of Sand", à la jolie mélodie et au texte inspiré. Mais vous la trouverez également sur certains best-of, et vous éviterez ainsi l'achat de cet album.
J'avoue également apprécier "Heart of Mine", une ballade innofensive, qui méritait d'être réengistrée dans de meilleurs conditions, car elle le vaut bien. Le groupe Herman Düne en fera d'ailleurs une bien belle reprise.

A noter une apparition anecdotique de Ringo Starr sur cet album. L'homme n'étant pas connu pour être le Beatle ayant les meilleurs goûts de la bande, vous l'aurez compris, mieux vaut passer son chemin.

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Down in the Groove (1988)

L'enregistrement de ce 25ème album studio ne fut pas une partie de plaisir. Sortie repoussée, tracklist remanié à maintes reprises... Encore une fois, Dylan se saborde en conservant des chansons insignifiantes, mal produites et dures à digérer. Ce procédé était amusant sur Self Portrait, mais vingt ans plus tard, alors que les années 80 se terminent, on s'emmerde ferme et on aurait presque pitié pour l'artiste.

Alors que la pochette, montrant un Dylan seul face à son public, avec sa guitare acoustique en bandoulière, appelle à la simplicité et à un retour aux sources, la déception est aussi grande que sur les deux albums précédents. On est loin d'un retour à la simplicité, vu l'équipe qui entoure Dylan : Eric Clapton, Jerry Garcia, Mark Knopfler, Ron Wood, Bobby King... et toujours les choristes qui murmurent derrière ce foutoir indigeste qui sent mauvais le funk et la production baclée.

Sauvons les meubles : "Let's Stick Together" est sympathique, il suffit de ne pas l'écouter deux fois à la suite, on risquerait d'avoir la nausée. Le single "Silvio", qui a connu un certain succès, mérite qu'on s'y attarde, elle est plutôt divertissante. Même chose pour "Death Is Not The End", qui bénéficie d'un travail d'écriture plus conséquent. Le reste est symptomatique du mauvais Dylan 80's, de "Ugliest Girl In The World" à "Had A Dream About You, Baby". Et des reprises peu inspirées pour combler le vide.

Avec le recul, l'écoute n'est pas si désagréable que ça, mais c'est quand même un beau gachis. Ne jetons pas Down In The Groove à la poubelle, mais n'allons pas lui rendre visite trop souvent. Heureusement, j'entends déjà Daniel Lanois sonner à la porte...

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Under the Red Sky (1990)

Si en 1989 Oh Mercy est un succès critique et public, cet album sorti l'année suivante (celle de ma naissance) est une réelle déception. Bien sûr, c'est plus écoutable que les sombres daubes parues dans les années 80, mais on s'attendait à mieux.

Pourtant la distribution compte une quinzaine de têtes connues, parmi lesquelles Stevie Ray Vaughan, Elton John, Bruce Hornsby, David Crosby, Slash des Guns N'Roses, David Lindley, George Harrison... Mais la sauce ne prend pas, l'enregistrement de l'album est selon Dylan lui-même baclé et il avoue ne pas s'être assez impliqué dans la création de son nouvel opus. Trop occupé paraît-il par les Travelling Wilburys, groupe très inégal dont il faisait partie à l'époque (en compagnie de Roy Orbison et Tom Petty entre autres).

Le résultat est un peu bancal, manque de cohérence et sonne donc un peu confus. Et si le tout peut pourtant s'écouter avec plaisir, c'est au niveau des paroles que cela pêche. "Wiggle Wiggle Wiggle" ou "Handy Dandy" apparaîssent réellement comme des farces, comparés aux textes fabuleux que le Zim nous avait offert sur son album précédent.
À noter également quelques bon morceaux, comme l'émouvante ballade "Born in Time", et l'enlevé "T.V. Talkin' Song".

À l'image du single éponyme, Under The Red Sky offre peu de surprises. C'est un album pépère, sans efforts, qui n'est pas un échec total, mais qui n'est absolument pas représentatif du génie de l'artiste, qui lorsqu'il n'entreprend pas carrément la destruction de son talent, semble tout simplement se reposer sur ses lauriers.

Mercredi 11 novembre 2009 à 3:44

Oui c'est un album mauvais. Très mauvais même parfois. Et je n'ai que deux raisons pour ne pas lui coller une très mauvaise note.

http://dylanesque.cowblog.fr/images/dylan/BobDylanDylan335142.jpgBeurk... 

La première, c'est que Dylan, faut pas lui en vouloir. L'âge d'or de sa période country achevé ("Nashville Skyline", "New Morning"), il savait pas trop quoi foutre. "Self Portrait" fut un échec commercial et critique, malgré quelques morceaux très plaisants, sa maison de disque se fout complétement de sa gueule et lui, il n'a pas d'autre choix que de pisser à la gueule de son public. Avec ce ramassis d'immondices retrouvés dans la poubelle du studio. Avec cette pochette immonde, cette voix de crooner qu'on a connu moins mielleuse et insupportable, ses choeurs qui sonnent plus faux que jamais. Une succession de reprises mal foutues qu'on aurait aimé ne jamais entendre sortir de la gorge amer du Zim. Bref, un beau gâchis. Mais quand on joue le jeu et qu'on a un petit coup dans le nez, "Can't Help Falling in Love" ou "Spanish is the Love Tongue" sont pas si dégueulasses que ça, voire plutôt divertissantes. M'enfin, 1973, c'est pas son année, et ce n'est qu'en jouant les cow-boys chez Peckinpah que le musicien s'en sortira avec les honneurs.

Moi, je retiendrai quand même "Lily Of the West", la seconde raison de réecouter cet album maudit dès le départ. Un air far-west, des paroles couillonnes mais dans le bon sens du terme, entendre : ravissante chanson d'amour country. Et la voix tient la route, le rythme est entraînant. Je l'adore cette chanson.

"Dylan" méritait, selon moi, ces précisions. Sinon, n'hésitez pas à jeter tout le reste, et évitez cet album comme la peste. Retracez la longue et inégale discographie de Dylan, c'est faire le tri et ne pas tomber dans les clichés. C'est pourquoi je ne condamne pas entièrement cette album, et que je le glorifie avec innocence, au moins le temps d'une chanson...

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À suivre, la réhabilitation de "Selfportrait" puis un essai pour prouver, encore une fois, que "Highway 61 Revisited", "Blonde On Blonde" et "Blood on the Tracks" sont des chefs-d'oeuvres, les plus grands albums jamais publiés. 

Et oui.

Mardi 27 octobre 2009 à 14:09

Nashville Skyline...

La pochette de cet album m'observe. Accroché au dessus de mon lit, Dylan me tire son chapeau. Les cheveux plus court, une barbe naissante. Un sourire sorti de nulle part, comme on en voit rarement de sa part. Une guitare sèche à la main, un ciel de fin d'hiver, tourné vers le printemps. Un barde bienveillant, apaisé et qui apaise.
Une impression de tranquilité que l'on ressent à l'écoute des dix ritournelles country de ce classique sous-estimé.

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Sorti en 1969, alors que l'homme s'apprêtait à marcher sur la Lune et les Beatles à enregistrer Abbey Road, Dylan continue la renaissance qu'il avait entamé deux ans plus tôt avec le mystérieux John Wesley Harding. Il y a également eut les Basement Tapes, longtemps restés enfouis. Dylan a besoin de se réfugier, il ne supporte plus le tapage médiatique qui l'entoure. Et il trouve ainsi une inspiration nouvelle.

Une voix neuve aussi. Ce n'est plus des phrases tranchantes qui partent de son nez mais bien d'innocentes chansons d'amour qui sortent de sa voix grave et chaleureuse. Un peu dur à avaler au début, mais on s'y fait et on se laisse porter par cette douceur retrouvée.

C'est en effet à un véritable retour aux racines auquel on assiste. Des mélodies épurées, une écriture simpliste... Dylan s'approprie la country et l'enrobe de sa voix chaude, la parfume avec ses airs de faux crooner. Les chansons dépassent rarement les 3 minutes. Moins de complexité, plus de sincérité. Dylan se fait plaisir, et c'est plaisant à entendre.

La reprise de sa propre "Girl of the North Country" en compagnie de Johnny Cash annoncent la couleur. On y entend les deux chanteurs se répondre, de manière décontracté et amicale, comme s'ils fredonnaient au coin du feu une mélodie lointaine. C'est beau.
"Nashville Skyline Rag" est un passage musical qui nous emmène tout droit au fin fond de la campagne américaine, là où on aura plus de soucis à se faire, si ce n'est profiter du soleil.
"To Be Alone With You" semble enregistrée dans une grange, comme pour séduire une jolie fermière de passage.
"I Threw it All Away", c'est du romantisme à l'état pur. Dylan se met à nu et nous offre une de ses chansons les plus belles, partagée entre vieux regrets et nouveaux espoirs.
"Jadis j'avais des montagnes au creux de mes mains,
Et des rivières y coulaient tous les jours.
J'ai dû être fou,
Je n'ai jamais réalisé ce que j'avais,
J'ai tout gaspillé."

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Tandis que "Peggy Day" est une sucrerie à prendre au second degré, "Lay Lady Lay" est un classique mielleux. La nouvelle voix de Dylan y produit de l'érotisme et séduit dès la première écoute.
Même chose pour "One More Night", avec sa guitare qui se ballade, pleine de grâce, délivrant des accords lumineux.
"Tell Me That Isn't True" est douce, Dylan veut croire en l'amour et seulement en l'amour.
"Peggy Day" nous fait sourire, montre un Dylan qui s'amuse avec sa voix, qui s'amuse avec la country, qui n'a qu'un objectif : prendre du plaisir à faire de la musique, aussi idiote soit-elle !
Et le crooner nous laisse avec "Tonight I'll Be Staying Here With You", une belle promesse, pleine d'espoir.
"Je jette mon billet par la fenêtre,
J'y jette ma valise, aussi,
Je jette mes soucis par la porte,
Je n'en ai plus besoin
Car ce soir je reste ici près de toi"

Un album que je ressors dès que le printemps revient, et qui est le compagnon idéal des après-midis à la campagne. Un album lumineux et réjouissant, sans prétention aucune, et qui se classe parmi les classiques de ma discothèque...

Mardi 27 octobre 2009 à 13:59

Ce n’est pas Nashville Skyline mais quand même, je l’aime beaucoup moi New Morning. C’est loin d’être un Dylan que j’écoute souvent, mais je me suis attaché lentement. J’ai laissé, souvent par hasard, quelques doux souvenirs s’imprimer sur cet album, de 1970. Je reconnais qu’il est un peu inégal, que la voix de Dylan apparaît assez faible sur certains morceaux et qu’on frôle parfois le mauvais goût, mais je l’aime bien pour ses défauts et la sincérité qui s’en dégage. Même chose pour Selfportrait, très décrié, auquel je trouve pourtant un certain charme. On dirait pas comme ça, mais je sais être objectif concernant Dylan, je trouve certains de ces albums (surtout ceux des eighties) inécoutables. Mais non, décidément, New Morning est un bon compagnon.

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Je me le suis procuré au printemps 2007, quelques semaines avant d’aller voir le Zim en concert pour la première fois. Tous les ans, j’ai le droit à un grand pique-nique familial à la campagne, une journée très longue. Il y a toujours un moment où je dois m’éloigner, allé me promener dans les champs alentours, sous un soleil de mars. Ce jour-là, j’avais Dylan dans les oreillettes lors de ma ballade. La terre boueuse, les rangés de maïs, l’air frais, tout cela était parfait pour savourer l’atmosphère gentiment country de If Not for You, je gueulais par-dessus la voix enraillé de Dylan. L’harmonica qui déraille, les cordes de la guitare qui sautillent, je gambadais comme un gamin, libre l’espace d’un instant. Les oiseaux volaient d’arbre en arbre, et les cigales auraient chanté pour moi s’il y avait eu des cigales (Day of the Locusts). C’était une belle journée, de parfaites conditions pour découvrir un album qui aurait pu me rendre indifférent la veille ou le lendemain.
 
Le mois suivant, je suis allé voir le gitan. Pas Elvis, comme dans la chanson (Went to See the Gypsy). Non, je suis allé voir Dylan. À Paris Bercy. Il était caché sous son grand chapeau, il était vieux mais beau. Il m’a récité ses classiques, comme si à chaque refrain il lâchait son dernier souffle. Je l’imaginais bien rentrer près de ses petits-enfants, dans une cabane de l’Utah, parce que c’est tout ce qui compte après tout (Sign on the Window, la plus belle du lot). Être paisible, serein, à la fin.
 
Plus tard, New Morning est ressorti du placard, toujours aussi poussiéreux, mais renfermant de nouvelles couleurs, celles d’un été pas toujours très heureux. Les siestes au soleil, les doits de pied en éventail, au son de Winterlude, quand tu repense à ce doux sourire qui t’a échappé. Quand tu essaie d’oublier, tu n’oublie pas. Et puisque c’est douloureux, Dylan est là. Il t’emmène dans un vieux club de jazz enfumé, te refile un cognac, te jette dans les bras d’une autre, et ça devient langoureux. Lui part dans tout les sens, improvise au piano, If Dogs Run Free, s’amuse sans en avoir l’air, et moi j’oublie, j’oublie… Et je me réveille de ma sieste au soleil, frôlant l’insolation. Bien décidé à aller de l’avant. À profiter des vacances, de l’insouciance. D’un nouveau matin. Je me lève et me jette entre les vagues, je me vide l’esprit, je suis bien…

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Ma dernière rencontre avec cet album, et la plus intense, c’était au beau milieu d’une chaude nuit estivale, à Barcelone. J’avais voyagé autour de l’Europe durant six semaines, en stop, avec mon sac à dos, et le périple touchait à sa fin. Une gentille communauté d’étudiant m’avait accueilli dans leur auberge espagnole, un grand appartement dans le cœur de la ville qui ne dort jamais. Je rentrais d’une soirée sur la plage, arrosé de sangria, j’étais épuisé, je me suis écroulé sur le matelas qui me servait de lit dans le couloir. Par habitude, j’allume le petit poste radio sur l’étagère d’à côté, et je tombe par surprise sur One More Weekend suivi de The Man in Me (lalalalala…lalala). Je comprends très vite, malgré le vilain espagnol du présentateur, qu’il s’agit d’une rétrospective Dylan, et d’une diffusion en entier de l’album. J’avoue avoir pris peur au début, me disant que ça y est, Bob est mort. Tout le monde roupille, moi je reste sur mon matelas, j’enchaîne mes cigarettes et je contemple la nuit étoilée au son des Three Angels, de Father of the Night. Je suis aux anges, je m’endors.
 
Voilà, je pourrais faire le même exercice pour la plupart des albums de Dylan. Ou comment un album te renvoie à un tas de souvenirs, t’accompagne au fil du temps et ressurgit sans prévenir quand tu l’as oublié. C’est pas nouveau ce que je vous raconte, mais ça me surprend à chaque fois moi, le pouvoir de la musique. Et je suis certain que le regard que me lance Dylan, sur la pochette immaculée de New Morning ne cessera jamais de me poursuivre, parfois malgré moi…

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