Dylanesque

Don'tLookBack

Dimanche 18 octobre 2009 à 12:03

C'est en 2005 que sont officiellement publiés 10 performances de Dylan, datant de l'époque du Gaslight. D'abord réservés aux clients de Starbucks, ils seront ensuite proposés à tous. Et c'est avec beaucoup d'émotion qu'on se plonge dans ce passé enfoui depuis si longtemps. On a presque envie d'enfiler une veste de bucheron, de fermer les yeux, et de s'imaginer dans le Greenwich Village.

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New York. 1962. Le Gaslight. Un café-concert, au beau milieu des rues froides du Village. Le rendez-vous des amateurs de folk. On y voit de la lumière, on y entre pour se réchauffer. Sur la scène, un gringalet s'acharne sur sa pauvre guitare, et chante de sa voix nasillarde, des airs hérités de Woody Guthrie et des traditionnels folk ("The Cuckoo Is A Pretty Bird"). Pas impressionant pour un sou, ce gamin, avec son accent de chèvre et son air timide, renfermé. Pourtant, dans ce café, l'histoire de la musique est en marche, et ne va pas tarder à se réinventer à travers ce jeune gringalet...

En plus des tradionnelles folk-songs, il compose le Dylan. De la pure poésie, ces textes, évoquant l'actualité avec ironie et lyrisme ("A Hard Rain's A-Gonna Fall"). On se laisse porter par la pure beauté de "Moonshiner", par la douce mélodie injectée de venin qu'est "Don't Think Twice (It's Alright)". On retrouve la même magie que sur son premier album, sorti la même année, et on se dit que ce type a un sacré potentiel, mine de rien...

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Voilà donc en 2005 un témoignage des origines du Zim, un lien précieux entre son premier album encore bien enraciné dans la tradition folk, et "The Freewhelin' Bob Dylan", où il va commencer à s'émanciper à l'aide de ses propres compositions. Un document historique, de quoi émouvoir aussi bien les fans de Dylan, que ceux qui aiment tout simplement écouter un chanteur qui habite des textes merveilleux à l'aide d'une simple guitare et de son harmonica.

Dimanche 18 octobre 2009 à 11:52

Vous reprendrez bien un peu de Dylan ? 

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Soyons francs : à part avoir sorti un bon album pépère qui sent bon la campagne (New Morning en 1970) et avoir joué les cow-boys dans Pat Garrett & Billy the Kid, Dylan n'a pas fait de merveille depuis qu'il a revisité la country en 1969 sur Nashville Skyline. Self Portrait fut un tas de fumier où ne poussa que de rares jolies fleurs, tandis que Dylan était un ramassis d'ordures qui n'avait d'autre place que dans la poubelle, bien entendu. Alors quand sort Planet Waves en janvier 1974, on l'attend au tournant, mister Dylan.
L'album est enregistré alors que Dylan vient tout juste de recommencer la folie des tournées, en compagnie du Band cette fois, une tournée que l'on peut découvrir à travers l'excellent Before The Flood, sorti la même année. Robbie Roberston est fidèle à la guitare, et toute la clique vient prêter main forte à l'ami Dylan, comme un commando prêt à combattre une presse qui n'a pas l'intention de leur faire de cadeau.
Voilà pour le contexte. La musique maintenant.

Dylan ayant voulu laisser pas mal de liberté à son groupe durant les séances d'enregistrement, on a l'impression de se trouver devant des Basement Tapes miniatures. Des chansons un peu brouillonnes, un peu bancales, très roots, mais diablement attachantes.

On se réconcilie avec la voix de Dylan, qui râle avec bien plus de conviction que sur Self Portrait (pour ne pas le citer). À nouveau, ses mots frappent, pénètrent. Des textes qui évoquent le quotidien, l'amour... tout un monde de contradictions dans lequel Dylan refuse de se laisser enfermer.
La plus connue, "Forever Young", est un morceau de bravoure, un véritable hymne, mais contrairement aux hymnes dylaniens des sixties, celui-ci est doux comme une caresse. Mais l'orage gronde et sur la piste suivante, l'hymne sonne comme une charge de cavalerie. On peut dès alors anticiper la manie qu'aura par la suite Dylan à toujours remanier ses chansons, ne leur laissant jamais de repos (ce qui donne des merveilles dans ses récents concerts).
Peut-être le morceau le plus réussi, "Dirge" est hantée. Une splendeur dangereuse : "Je me hais de t'avoir aimé, mais je devrais surmonter ça".
À noter également l'enjouée "On a Night Like This" (un peu bancale néammoins), ainsi que "Something There is About You", une composition magnifique, où l'harmonie de The Band prend toute son ampleur, et enveloppe à merveille la voix du Zim.
Sans oublier "Never Say Goodbye" comme l'ultime sérénade amoureuse, qui nous offre de douces images.
"Les vagues assourdissantes roulent sur moi
Et je reste debout sur le sable
Attendant que tu viennes
Et que tu me prennes la main."

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Un album qui parle donc d'amour et de douleur, d'une manière faussement apaisée. Car on sent bien que derrière ce retour en douceur, tout à fait réussi, se cache un feu nouveau qui ne tardera pas à faire de nouvelles étincelles. Blood On The Tracks, selon moi le plus grand des albums de Dylan, sortira l'année suivante.

Planet Waves. Le calme avant la tempête ? Déjà, l'orage gronde... 

Vendredi 16 octobre 2009 à 17:47

Tiens ça fait longtemps que j'avais pas parlé de l'ami Dylan... Alors que le temps se raffraichit, je me réfugie dans sa discographie pour vous prouver que je porte bien mon pseudo !

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Les albums de Dylan sortis durant les seventies sont ceux pour lequelles j'ai le plus d'affection. Si l'on fait exception de l'affreux Dylan, je les apprécie tous, du champêtre New Morning au gitan Desire, sans oublier le somptueux Blood On The Tracks. Cet album sorti en 1978 est souvent sous-éstimé mais est également pour moi un classique de l'artiste.

Pour la première fois, Dylan utilise un groupe véritablement pop-rock, accompagné par des choeurs féminins. Le thème de la religion prend également de l'ampleur et l'ambiance parfois gospel annonce déjà la conversion chrétienne à venir. L'album s'ouvre sur "Changing of the Guards" un morceau enlevé, bien orchestré, au texte rempli de symboles. La suite est à la fois hétéroclite (allant de l'énervé "New Pony" à la véritablement émouvante "Baby Stop Crying") mais également très cohérente.

"Senor (Tales of Yankee Power)" est somptueuse et pleine de mystère et rappelle l'ambiance de "Desire". Elle aurait aussi très bien figurer sur la B.O. de "Patt Garrett & Billy the Kid", tant on la croirait tirée d'un sombre western.

Certes, les choeurs sont parfois à un peu trop présent, et les compositions un peu trop grandiloquentes ("Is Your Love in Vain?"), mais le tout s'écoute avec plaisir. Surtout que Dylan chante bien et que certaines chansons sont véritablement chaleureuses. À écouter l'hiver de préférence.

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À noter également une réalisation et un son plutôt correct (même si l'on privilégira le remix réalisé par Don DeVito en 1999) et une jolie pochette.

Pas de quoi crier au génie, mais un album véritablement attachant.

Dimanche 10 mai 2009 à 18:30

J'avais pour but de commencer mes révisions aujourd'hui. Et puis comme d'habitude, je me suis laissé distraire.

Voici donc pour vous, une sélection de trente morceaux, qui ont pour but de vous montrer une autre facette de Dylan. Vous n'y trouverez pas "Like a Rolling Stone", "Blowin'in the Wind" ou bien "Hurricane", mais des morceaux moins connus, voire très rares. 
30 chansons connus des dylanologue, mais qui je l'espère, plairons aux curieux qui désirent en savoir plus sur le Zim. 

Allez promis après je vous lâche avec Dylan ! Mais j'aime bien ce principe de sélection, de compil. Ca me rappelle les K7 que je préparais avant de partir en vacances en voiture...

En plus, c'est dans l'ordre chronologique, et je vous ai trouvé de jolies photos...
Pour écoutez tout ça, fâites moi signe, je pourrais bien envoyer les liens aux plus gentils d'entre vous !

Merci qui ? Allez, bon dimanche... 



1 / I Was Young When I Left Home (The Bootleg Series Vol.7) 1961
Il était jeune quand il a quitté sa maison. Il est parti à New York, sa guitare à la main. Il n'est jamais revenu.
Une ballade poignante, et une voix tremblante : un artiste en devenir. 

2 / The Death of Emmett Till (Folksinger's Choice) 1962
Dans le genre protest song, celle-ci est toujours resté dans l'ombre de "Hard Rain" ou "The Lonesome Death of Hattie Carrol". Elle est pourtant bien écrite, narrant le meurtre d'un jeune afro-américain dans les années cinquante. Dylan, ce bandit, avouera avoir piqué la mélodie à Len Chandler...

3 / Tomorrow is a Long Time (Bob Dylan's Greatest Hits Volume II) 1963
Une magnifique ballade nocturne, extraite d'un live de 1963 et reprise par la suite par de nombreux artistes : Nick Drake, Judy Collins et Elvis, pour ne citer qu'eux. Avec des mots simples, Dylan fabrique de la poésie, et nous on pleure comme des gamins. 
"There’s beauty in the silver, singin’ river,
There’s beauty in the sunrise in the sky,
But none of these and nothing else can touch the beauty
That I remember in my true love’s eyes."



4 / Corrina, Corrina (The Freewheelin' Bob Dylan) 1963
Reprise d'un vieux traditionnel par un Dylan amoureux comme jamais, tendre et plein de douceur. 

5 / Spanish Harlem Accident (Another Side of Bob Dylan) 1964
Encore une chanson d'amour plongé dans un mélange de poésie et d'ironie typique du Dylan de l'époque. 
La reprise des Byrds vaut aussi le détour. 

6 / Can You Please Crawl Out Your Window? (Biograph) 1965
Enregistré avec les Hawks, alors qu'il venait de brancher les guitares, ce single est annonciateur de la tempête électrique à venir. Le texte est proche de celui de "Positively 4th Street", et sera à l'origine de la brouille entre Dylan et le chanteur Phil Ochs. Celui-ci n'ayant pas aimé la chanson, Dylan l'avait viré de sa voiture : "You're not a folk-singer, you're a journalist !"



7 / I'll Keep it With Mine (The Bootleg Series Vol.2) 1966
Qu'elle est poignante cette version au piano chevrotante, d'une chanson écrite pour Nico (et que l'on retrouve sur son premier album, Chelsea Girls", paru en 1967, dans une version parfaite, elle aussi). Marianne Faithfull et Courtney Love l'ont adoptés elles aussi. 
Dylan, homme à femmes ? 

8 / I Can't Leave Her Behind (Blonde On Blonde Sessions) 1966
Enregistré dans une chambre d'hôtel en Ecosse, paru sur plusieurs bootlegs, un titre au piano non retenu pour "Blonde On Blonde".
Court mais intense. 

9 / Mr Tambourine Man (The Bootleg Series Vol.4 Live 1966) 1966
Paru sur le témoignage le pluis puissant qu'on puisse trouver sur Dylan, ce "Mr Tambourine Man" clôt la partie acoustique de manière crépusculaire, dans une sorte de transe, où l'harmonica n'en finit plus et va toucher les étoiles. 
A voir également sur "No Direction Home", le documentaire de Martin Scorcese, fabuleux témoignage du Dylan au bord du gouffre.

10 / The Ballad of Frankie Lee & Judas Priest (John Wesley Harding) 1967
Dylan se prend pour la Fontaine et nous pond une fable moralisatrice, sur un air paisible de country. 




Oups, je n'ai pas le temps de finir cet article ! Mais je le complète dès que possible promis !

Samedi 2 mai 2009 à 22:19



Son dernier album se terminait sur le lancinant "Ain't Talkin'", et pourtant ce bon vieux Dylan a encore des choses à dire. "Together Through Life", troisième album studio de la décennie, est encore une réussite (et la pochette est splendide). Arrivé sans prévenir, ce projet est né en partie grâce à la demande du réalisateur français Olivier Dahan qui voulait des chansons d'amour pour son prochain film. Merci à lui. Les sessions d'enregistrement furent rapides, le résultat est étonnament spontané, enjoué et plein de vie. Beaucoup plus lumineux que l'essai précédent, ou que l'inégalé "Time Out of Mind". Ce qui frappe également, c'est la longueur de l'album et des chansons. On ne dépasse pas les 45 minutes en tout, et on ne voit pas le temps passer.

Dans la lignée du son des albums précédents, on peut noter tout de même une mise en avant de la voix du Zim, qui donne une ambiance particulière à l'album. Une voix plus rocailleuse que jamais, qui donne des frissons, qui peut dissuader n'importe quel fumeur de faire une croix sur la nicotine. Dès l'inaugural "Beyond Here Lies Nothin", on est propulsé dans une salle de bal mexicaine, en fin d'après-midi. L'orchestre s'efface derrière le crooner au costume doré, les enfants courent partout et le banquet est fastueux mais loin d'être indigeste. "My Wife's Home Town" est un morceau langoureux, un blues démoniaque. "Forgetful Heart" est un des sommets de l'album, une nouvelle étude de la romance amoureuse à la sauce Dylan ("Why can't we love like we did before ?"). "I Feel A Change is Comin' On", porteur d'espoir, à l'image d'une Amérique nouvelle, qui s'est trouvé un visage neuf, des années après l'hymne "The Times They Are A-Changin'". "Shake Shake Mama", "This Dream On You", l'orchestre s'emballe, puis il s'apaise et nous laisse rêveur. On danse la valse sous le coucher du soleil et tout le monde est heureux ("It's All Good", conclusion pleine d'ironie et tournée vers l'avenir).

Cette ambiance tex-mex n'est pas sans rappeler l'aventure western de "Pat Garret & Billy the Kid", avec ses accordéons et son aspect sieste sous le soleil de Mexico. Mais si le projet est initié par un français et que l'atmosphère est à la sauce mexicaine, Dylan nous peint encore et toujours une Amérique hors du temps, en reprenant des vieux classiques bluesy, rock'n roll. Il a beau avoir tourné le dos à la folk classique depuis des décennies, il entreprend lui-même un travail de collectionneur de musique (son émission de radio, par exemple) qui ne tombe jamais dans la nostalgie facile. Certes Dylan n'est plus le visionnaire qu'on a connu, mais il n'est pas devenu non plus un vieux pirate qui vit dans le passé. Son album est enraciné dans le passé, mais résonne à merveille dans notre époque : il est troublé mais plein d'espoir, et ne cesse de tourner autour du même thème : l'amour. Le tout parsemé de la patte Dylan, de son ironie, de sa voix tranchante et d'une classe incomparable.

Les 50 ans de carrière approchent et Dylan est toujours là. Inégal sur scène, mais intouchable sur disque. Qu'il le veuille ou non, la légende est en marche, et ne semble pas vouloir s'arrêter.

Lundi 13 avril 2009 à 12:48

Un dimanche tranquille, j'enfile mon chapeau de cow-boy, et me voilà parti. Une seule envie : me perdre et tout oublier.

L'hiver est froid, et la solitude me guette. Tiens, le dernier Dylan traîne dans la boite à gants. Les deux précédents étaient convaincants, il a la classe Old Bobby, lorsqu'il revisite les classiques. Modern Times. Un titre qui en impose. Ca me tiendra compagnie...
D'un coup, le ciel s'assombrit. Les nuages se noircissent et l'autoroute se retrouve plongée dans l'obscurité. Un orage éclate. Dans l'autoradio, "Thunder On The Mountain" démarre en trombe, et la voix du Zim se fait l'écho du tonnerre. Le rythme est enlevé, j'accélères, sous une pluie torrentielle. Tandis que les essuie-glaces s'affolent, Bob se demande où peut bien être Alicia Keys !
"On dirait que quelque chose de mauvais va arriver, tu ferais mieux de redescendre de ton avion / Tout le monde part et je veux partir aussi"



Une route de campagne et quelques éclaircies. Je m'arrête pour profiter du paysage, des champs à perte de vue, un ciel torturé. Le sol est boueux, l'air est frais. "Spirit On The Water".
"J'ai piétiné dans la boue / J'ai prié les puissances d'en-haut / Je sue du sang / Tu as un visage qui implore l'amour".
Une ballade qui m'apaise, tout en me rappelant douloureusement ma solitude. Personne ne m'attends.

Le classique "Rollin'&Tumblin'", sur une route rocailleuse, tout s'agite et j'accèlère à nouveau. Plus rien ne m'arrête.
"Le paysage brille, luisant dans la lumière dorée du jour / Je ne cache rien maintenant, je ne me tiens dans le chemin de personne"

Il est midi et le soleil m'éblouit. A moins que ce ne soit "When The Deal Goes Down", lumineuse. Parfaite. Putain Bob, tu vas me faire pleurer. Une telle chanson d'amour, c'est si rare. Ca m'évoque tellement de choses. Mélange de mélancolie et d'espoir. Une larme à l'oeil, la faute du soleil.
"J'ai cueilli une rose et elle a troué mes habits / J'ai suivi le courant sinueux / J'ai entendu le bruit assourdissant, j'ai senti des joies passagères / Je sais que leur apparence est trompeuse / En ce domaine terrestre, plein de déception et de douleur / Jamais tu ne me verras renfrogné / Je te dois mon coeur / Et je serai avec toi quand la donne se fera"

Pas le temps de pleurnicher, mon périple continue. Les lignes blanches défilent dans mon rétroviseur, les villages s'enchaînent à toute vitesse et des gouttes de pluie se font la course sur la vitre avant. "Someday Baby", classique bluesy, s'accorde à merveille avec ce sentiment de fuite en avant. Plus de compte à rendre à personne, pas vrai Bobby ?

L'après-midi touche à sa fin. Déjà, il fait sombre. Je m'arrête sur un aire de repos abandonnée, aucun signe de vie. "Une brume du soir s'installe sur la ville / La lueur des étoiles au bord de la rivière / Le pouvoir d'achat du prolétariat diminue / L'argent devient peu abondant et peu courant / Oui, là où je suis le mieux, c'est dans mes doux souvenirs". Putain, encore un classique, ce "Workingman's Blues 2" ! Il est infatiguable le vieillard. Il nous pond six merveilleuses minutes sur comment trouver le bonheur quand on est dans une sombre merde, poétise sur la misère et va chercher au fond de sa gorge un flot d'émotions.

Un coucher de soleil, caché par de sombres nuages. Dommage, j'aime bien moi les couchers de soleil. Je me réfugie dans la voix chaude de Bobby, qui croone délicieusement sur "Beyond The Horizon". "Au-delà de l'horizon, derrière le soleil / A la fin de l'arc-en-ciel la vie ne fait que commencer / Dans les longues heures du crépuscule sous la poussière d'étoiles là-haut / Au-delà de l'horizon il est facile d'aimer". Le voilà mon coucher de soleil...

Seul dans la nuit, la Lune éclaire ma route. La fatigue me guette, la journée a été longue. Je me laisse bercer par la ballade "Nettie Moore", une histoire d'amour au Far West, construite et interprêtée avec intensité. Et la fin terrible, désabusée. Dylan chante la mort, et c'est douloureusement juste. "Mon bonheur est bien mort / L'hiver est parti, le fleuve monte / Je t'ai aimé alors et t'aimerai toujours / Mais il n'y a plus personne ici à qui le dire / Le monde est devenu noir devant mes yeux".



Je lutte contre le sommeil et c'est "The Levee's Gonna Break" qui me donne la force de continuer. Un blues endiablé, où les fantômes de la Nouvelle Orléans remontent à la surface du fleuve. Et il pleut à nouveau. Le Déluge. Impossible de continuer. Je n'ai plus le choix. Je m'arrête, à l'entrée d'une ville endormie.

Laissant ma voiture sur un parking désert, je m'allume une cigarette et je marche, me laissant guider par les huit minutes de "Ain't Talkin", la voix de Bobby dans les oreillettes. Le sommet de l'album. Un titre magnifique, indescriptible. Dylan à son meilleur niveau. Le goudron est détrempé, les néons des lampadaires sont flous. Je ne pense plus à rien, je ne dis plus rien, j'écoute la pluie tomber. "Ain't talkin', just walkin' / Up the road, around the bend. / Heart burnin', still yearnin' / In the last outback at the world's end."

Modern Times clôt la trilogie entamée par Dylan en 1997. Une énième renaissance, saluée par la critique, trois nouvelles pierres à l'édifice d'une carrière étourdissante. Ce disque est intemporel, et si je m'amuse à illustrer ces chansons avec ce genre de récit, c'est parce qu'il m'a accompagné tant de fois, tant d'après-midi pluvieux, de soirées en solitaire. Peut-être que c'est l'ultime album. Si c'est le cas je n'en demande pas plus.

Dylan est éternel.

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