Dylanesque

Don'tLookBack

Jeudi 18 mars 2010 à 17:09

J'avais été un peu dur lors de ma chronique du "Contra" des Vampire Weekend. Je manquais de recul, je tirais des conclusions à la hâte, je me méfiais de cette pop en toc qui ne me faisait pas autant vibrer que lors du précédent essai. Et pourtant, ces nouveaux morceaux des bobos de New York n'ont cessé de faire leurs preuves ces dernières semaines, remettant en question toute la mauvaise foi et la sourde oreille que j'avais déversé la dernière fois. Peut-être que c'est l'arrivée du printemps qui rend ces rythmes ensoleillés aussi addictifs. C'est comme ça que j'avais dégusté le premier album, et voilà que le sort s'acharne. Tant mieux, je ne vais pas bouder mon plaisir et continuer à me repasser "Contra" tous les jours jusqu'à plus soif. "Horchata" pour me réveiller le matin, "Taxi Cab" pour me traîner jusqu'à la fac encore un peu dans le cirage, et puis "Diplomat's Son" pour attaquer la soirée en tapant du pied. Quand à la ballade finale, elle fait écho à la mélancolie, à cette tristesse qui est dans l'air, dont on ne peut décidément pas se détacher, il faudra encore attendre... Moralité, n'hésitez pas à donner une mauvaise chance aux albums les plus redouté, vous pourriez bien vous retrouvez avec un beau compagnon de spleen, de ciel bleu et d'oiseaux qui chantent. 

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La prochaine fois, je vous parlerai d'un fantastique concert de Turner Cody. Et du printemps. 
C'est tout pour le moment. 

Vendredi 12 mars 2010 à 22:32

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Un mois plus tard, Dylanesque refait surface. 
Un mois plus tard, Dylanesque ne va pas beaucoup mieux, pas beaucoup pire.
Dylanesque ne sait plus trop bien où il en est. 
Alors ça le renvoie immanquablement vers son clavier, et ce blog qui commençait à prendre la poussière.

Et vous ça va comment ?
Après la neige, la pluie et la tempête, je crache pas sur un peu de soleil, ça fait du bien. 
Le printemps sera là dans quelques jours et je compte en profiter.
M'enfin je suis pas revenu pour faire la météo. 

Quoi de neuf ?
Moi, j'ai beaucoup de choses à faire. Ca m'évite de trop penser.
Seulement, on est vendredi soir, et justement je pense. 
Et c'est toujours la même chose. Je vais pas me répéter. 
J'ai résolu quelques problèmes, j'en ai laissé pourrir d'autres, et certains sont venus s'ajouter à mon quotidien. 
On en est tous plus ou moins là, non ?

Beaucoup de choses à faire donc. 
Un festival de théâtre à diriger, une pièce à mettre en scène et un rôle à interprêter.
Des cours auxquels il va bien falloir se pointer pour ne pas reproduire le suicide organisé du premier semestre.
Un travail peu fatiguant mais où la routine s'est trop bien installée. 
Une émission de radio qui est toujours un plaisir à animer.
Des gens que j'aiment beaucoup, d'autres moins. 
Cela dit, c'est toujours moi qui me dégoute le plus. 

Et des découvertes musicales de tous les côtés.
Je vais vous en balancer quelqu'unes à la gueule, vous irez faire vos recherches et la prochaine fois, promis, j'en parlerais plus en détail.
Teenage Fanclub, Royal City, Broken Social Scene, Nana Grizol, Luna, The Mumlers, Fountains of Wayne, Lou Barlow...
Sparklehorse, juste avant le suicide du chanteur, étrange comme sensation. 
Et puis les nouveaux albums de mes héros : Josh Rouse, Tunng, Johnny Cash (et un dernier souffle beau à pleurer). 
Dylan est toujours dans le coin, plus discret. "Street Legal" ces derniers temps.
J'ai vu "Fantastic M.Fox" et Wes Anderson ne m'a pas déçu. 
Je me suis gavé de séries TV, cf mon forum séries pour en savoir plus. 
J'ai bu, j'ai fumé, j'ai grandi de quelques millièmes de millimètres.

Un mois plus tard, Dylanesque est toujours là, avec de nouveaux tracas, mais un coeur gros comme ça. 
Et plein de choses à raconter. 
Si je trouve le temps, je vous tiens au courant. 
Alors en attendant (comme l'annonçait le titre de mon article précédent), rendez-vous au printemps !

Vendredi 12 février 2010 à 18:56

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Revoilà Turner Cody, le plus attachant des bardes country-folk venus de New York ! Avec une nouvelle collection de chansons impeccablement produit par David-Ivar, celui qui avait recruté l'artiste pour être le bassiste d'Herman Düne. Neman et toute l'équipe de "Giant" sont également présent autour du troubadour barbu, apportant percussions, cuivres et chaleur à ce nouvel opus, qui je l'espère, permettra à Mister Cody de marquer un peu plus les esprits dans nos contrées.

Plus décontractée et confiant que jamais, Turner aligne des morceaux hors du temps, brassant une multitudes d'influences, peignant avec humour et délicatesse des échecs amoureux, des voyages à la Nouvelle-Orléans, et des siestes au bord du Mississippi. Chaque morceau est une petite escapade en plein air, la fenêtre ouverte, les cheveux berçés par une brise printanière. "Forever Hold", "Nobody Like You", "Window's On Atlantis" pour ne citer que ceux-là, sont de légères vignettes country qui se savourent avec un plaisir non contenu. On a qu'une envie, c'est d'aller rejoindre le barde de Brooklyn et le suivre pour une paisible traversé du continent Américain, guitare en bandoulière et en sifflotant "Au Revoir", morceau le plus décalé, clou du spectacle.

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Du bel ouvrage, tout en langueur, plus chaleureux que jamais. Comme si l'on avait affaire à un nouvel album d'Herman Düne, avec en guest star : le Band, Johnny Cash, Townes Van Zandt ou bien Gordon Lightfoot. Malgré cet héritage étouffant, Turner Cody garde la tête froide et n'a pas à rougir de la comparaison. Il a atteint un niveau de maitrise rarement égalé par ses contemporains, tout en gardant sa modestie et une profonde sincérité. Chapeau !
 

Lundi 8 février 2010 à 16:04

J'ai rallumé mon vieil ordinateur. J'ai retrouvé un tas de choses. Des bouts de romans que j'écrivais sans jamais les finir. 
J'ai pas envie que ça disparaisse. C'est touchant. Et puis je n'ai pas tellement changé. 
"Billy", c'est un conte que j'avais débuté durant l'été 2008, alors que je me passionnais pour les westerns et que j'écoutais en boucle la B.O. du film de Peckinpah. Ca a un peu pris la poussière, c'est maladroit, mais bon, voilà. 
Peut-être que je vous montrerais d'autres antiquités, avant que mon vieil ordinateur rende l'âme.


Billy

Billy, 20 ans, quitte le village de Iron City, dans le Midwest, pour partir à l’aventure. Sur sa route, il croisera des hors-la loi, des putains, des poètes, des déserteurs, tout un monde qui l’aidera à passer à l’âge adulte. Du Texas au Canada, de la Californie au Mexique, Billy découvrira l’absurdité d’un monde où la fatalité rôde, et où il devra redoubler de candeur et d’enthousiasme. Un conte aux allures de western, qui se passe à une époque indéterminée, dans une Amérique fantasmée, inspirée à la fois par les westerns de Peckinpah, les chansons de Dylan et les récits de Kerouac.

1. 

C’est la lumière du soleil qui me réveille, à l’aube. L’air est froid, humide. J’ai la bouche sèche et le ventre vide. Ma nuque est douloureuse, elle a passé la nuit posé sur un vieux sac en toile, oreiller de fortune. En guise de petit-déjeuner, je sors un morceau de pain, puis je me roule une cigarette. La cigarette du matin, la meilleure peut-être. Mes yeux peinent à s’ouvrir. Pourtant, j’aperçois de la fumée, de l’autre côté de la colline. Ils sont là. Plus de temps à perdre, une occasion à saisir. Après avoir rassemblé mes quelques affaires, le sac à dos sur l’épaule, je fous le camp. J’entends les trains passer. Je les vois maintenant. Des trains de marchandises. Celui-là va à l’Est, un autre part pour le Sud, et avale, dès le petit matin, des kilomètres de rails. Je dois faire un choix. N’importe lequel, pourvu qu’il m’emmène loin d’ici. Cela fait trop longtemps que je ne suis plus à ma place à Iron City, il faut partir. Pas bon de trainer dans le coin, j’ai l’impression qu’on me guète. J’écrase ma cigarette sur le sol qui m’a vu grandir, et je saute dans le premier wagon. Et me voilà en route pour le Mexique ou le Canada, je n’en sais rien, tout ce qui m’importe, c’est de pouvoir dire adieu à cette ville qui s’éveille, dans la brume d’un matin d’avril. Adieu mon enfer, ma jeunesse. Je ne reviendrais plus.

Ce jeune homme, qui prend le large à bord de son train de marchandises, c’est Billy. Le voilà embarqué dans une folle aventure, que je vais avoir l’honneur de vous raconter. Je ne suis moi-même qu’un pauvre vagabond, Jim pour vous servir. J’ai eu le privilège de partager un bout de chemin avec cette vieille canaille de Billy. Avant sa mort, il m’a légué ses carnets de routes, que j’ai soigneusement retranscrits pour vous dans cet ouvrage. Je ne manquerais pas d’apporter un éclairage historique et personnel sur cette poésie d’outre-tombe. Je vous invite à un long voyage à travers ce pays, d’Ouest en Est, du Nord au Sud, à travers les champs de coton et les déserts majestueux. Ouvrez grand vos oreilles, et venez vous évader en compagnie de Billy.

L’histoire se passe après 1850, avant 1950, je ne sais plus trop, aux Etats-Unis d’Amérique. L’Amérique, la vraie, la grande, celle qui a disparu depuis longtemps, celle qu’il fait bon de se souvenir.

Bienvenue à Iron City. Nous sommes dans le Midwest, près de la frontière canadienne. C’est une région de lacs, de rivières, avec des millions d’arbres. Une zone où Mère Nature n’en fait qu’à sa tête : l’hiver est la saison la plus longue et il peut faire jusqu’à moins vingt degrés en novembre comme en mars. Défiguré par une énorme mine à ciel ouvert, Iron City est un gros village, presque entièrement construit sur une pente, qui a connu une certaine prospérité, à l’époque de la ruée vers l’or, grâce à d’importants gisements de minerai de fer. Selon la demande, sa richesse a cru et à décru au fil des décennies. Lorsque naît le jeune Billy, cet âge d’or n’est plus qu’un lointain souvenir. Le filon s’est épuisé, les emplois se font rares et les habitants ont du mal à joindre les deux bouts. Les hivers se font de plus en plus rude, et la misère guette à chaque porte. Iron City, un trou perdu au beau milieu d’une Amérique en pleine décrépitude.

C’est dans un hôtel, à l’entrée de la ville, près des mines de fer, que naquit Billy, qui n’a jamais été foutu de me dire la date exacte. Il n’aimait pas trop parler de son enfance, d’Iron City. J’ai du moi-même aller mener mon enquête sur place, interroger les habitants et recueillir les témoignages avec minutie. J’ai retrouvé miraculeusement trace d’une personne qui a assisté à la naissance de notre héros. Betty Nash, la serveuse du Central Hotel, aujourd’hui âgé de soixante années, se souvient :
« J’étais jeune et je travaillais comme serveuse au Central Hotel. C’était mon oncle, le patron. On était en août, je crois. Jamais l’été n’avait été si chaud à Iron City. Le bar était plein de gens de passage, venu se rafraichir. Un soir, une femme est entrée. Le temps qu’il lui a fallu pour traverser la porte et approcher le comptoir, elle a attiré le regard de tous les clients. On se méfiait des étrangers à l’époque et il était rare de voir une femme errer seule dans le coin. Elle portait une robe en dentelles, sale et déchirée par endroits. Un visage triste derrière de longs cheveux blonds. Du chemin, elle avait du en parcourir, vu son allure. Une vraie bohémienne, l’air complètement perdue. Et puis elle était enceinte. M’a demandé une chambre pour la nuit, mais avant que j’ai eu le temps de lui dire quoi que ce soit, mon oncle l’a envoyé balader. Notre hôtel avait une certaine réputation, pas question d’héberger les putains de son espèce. Pas assez de classe pour qu’on l’engage comme fille de joie. Résignée, elle a fait demi-tour, sous les regards méprisants de l’assemblée. Jusqu’à ce qu’elle s’écroule sur le plancher. J’ai d’abord cru qu’elle était morte. Un médecin l’a examiné, on a dû lui louer une chambre, et l’installer son corps en sueur sur des draps blancs et propres. Je suis resté à son chevet toute la nuit. Elle a poussé des hurlements et a finalement accouché d’un garçon. Le temps que j’aille chercher de quoi emmitoufler le nouveau-né, elle était passé de vie à trépas. Pauvre femme. On savait pas d’où elle venait, qui était le père. On l’a jeté dès le lendemain dans la fosse commune. Et il a fallu s’occuper du gosse. Pas moyen que je m’en charge, j’avais assez des miens, de mon travail. Les temps étaient bien trop dur pour avoir en plus un gamin à charge. Le prêtre est venu le chercher quelques jours plus tard. Voilà, une histoire de rien du tout, comme j’en ai vu pas mal, quarante ans que je suis derrière le comptoir du Central Hotel. M’enfin je me demande parfois qui était cette femme. »
Me le demandez pas, je n’en sais rien. Pas moyen de retrouver l’identité de celle qui a donné la vie à notre héros. Elle n’a laissé aucune trace et c’est peut-être mieux ainsi. Sa misérable vie fut emporté par le vent et jamais Billy n’aura de parents.

C’est donc un homme de Dieu qui recueilli l’orphelin. Père Jack Lancaster. Issu d’une famille d’émigrés canadiens, il était une figure emblématique d’Iron City. Il avait lui-même lancé la construction de la chapelle, baptisé la plupart de ses habitants et il priait aussi bien pour les braves commerçants que pour les criminels. « Il venait déjeuner tous les jours à la même heure, avait ses habitudes dans notre établissement, m’explique Betty. Quand il arrivait, avec son costume noir et son bâton, tout le monde se calmait. Pas d’affrontements lorsque le père Lancaster mangeait son repas. La paix. Alors on le traitait bien. Mon oncle lui réservait toujours les meilleurs putains, c’était leur secret, fallait surtout pas que ça se sache. Parce qu’il avait beau être un homme d’église, le vieux Lancaster savait prendre du bon temps. Dieu ait son âme ». Cela ne l’a pas empêcher d’éduquer proprement le petit Billy. Enfin, c’était mieux que rien, quoi…

Le père Lancaster vivait dans une annexe de la chapelle, une habitation modeste, avec une chambre, une pièce de toilettes et une grande salle principale. Les murs étaient tapissés de symboles religieux et une grande bible trônait près de la cheminée. Les meubles, anciens, fabriqués au Canada, héritage maternel. Le vieux fauteuil en cuir, imprégné de l’odeur du feu de bois, où le vieillard lit à l’enfant des passages du livre sacré. Billy dort à l’étage, sur un lit qui lui causera plus tard de terribles rhumatismes, dans un grenier où s’accumulaient les offrandes des paroissiens et la poussière.

Comme il n’y avait pas d’école à Iron City, c’est le père Lancaster qui se chargea de l’éducation du jeune homme. Une éducation stricte, religieuse. L’enseignement du respect, de la générosité et de la foi. Savoir lire, écrire, compter. Lancaster préparait Billy à prendre sa relève à la tête de la paroisse, car il sentait la fin proche. De toute façon, le destin des enfants d’Iron City était tout tracé : les illettrés finiraient à la mine, les autres deviendraient commerçants de bas étage. Travailler pour Dieu était une alternative peu réjouissante pour l’orphelin. Plus il grandissait, plus il nourrissait des passions peu catholiques, et se dessinait un avenir loin de l’église. Besoin de s’affranchir de la figure paternel offert par le prêtre, de découvrir le monde à sa manière, pas à travers une vision religieuse. Trop occupé par l’évangélisation de ses concitoyens pour faire attention aux dérives de son protégé, le père Lancaster se rendit compte bien trop tard de l’évolution du jeune homme. Bientôt, Billy laissa tomber la prière et inventa milles excuses pour ne pas se rendre à l’église et prêter main forte à son père de substitution. Comment croire en Dieu à Iron City, terre froide et misérable. Il fallait être aveugle pour rester enfermé dans ce trou perdu. Mais Billy ne pouvait pas partir. Il devait tant de choses à ce vieillard, même s’il se surprenait souvent à le mépriser. Il n’avait pas un sou en poche, et ne savait même pas monter à cheval. Pas faute d’avoir essayer pourtant, mais la maladresse prenait toujours le dessus. Alors pour oublier sa frustration, il devait s’évader avec ses propres moyens. La lecture d’abord et au diable la Bible ! Ce qui passionnait Billy, c’était les romans d’aventure, les carnets de voyage, la poésie. Un univers parallèle qui l’entraînait pendant quelques illusoires minutes loin d’Iron City et de ses rudes hivers. Loin des minerais de fers, de la neige, et du sombre grenier dans lequel il passait ses nuits. Lui-même écrivait parfois, s’inventait des histoires rocambolesques, où s’affrontaient guerriers en armure et monstres des océans. On trouvait également dans ce carnet l’inventaire de ses conquêtes amoureuses : la petite Lily dont la gifle était encore douloureuse, et plus tard, Angela Moore, qu’il avait peloté dans une grange. Et la vieille Bertha, une putain du Central Hotel. Sa première expérience sexuelle, ses fantasmes d’adolescents. De la poésie teinté d’innoçence, et qui témoignait d’un constant besoin de découvertes, qu’il était dur d’assouvir dans la Cité des Mines de Fer.

Sur ces pages, il s’imaginait également des parents. Un jour il avait posé la question au père Lancaster : qui sont-ils ? Ne voulant pas décrire sa mère comme une putain qui avait rendu l’âme dans un bordel en lui donnant la vie, il était resté évasif et Billy était resté sur sa faim.
Dans ce bordel miteux, le jeune homme trouvait l’occasion d’épancher sa soif de découvertes : l’alcool, les femmes, les cigarettes que l’on roule sur un coin de table. On s’assoit au comptoir, on écoute cette chère Betty raconter les derniers scandales, comment le banquier a trompé sa femme avec la voisine, dans combien de temps les employés de la mine risquaient de se retrouver sans emploi. C’est également au Central Hotel que Billy fit une rencontre décisive : l’Irlandais. Un homme mystérieux, que l’on surnommait ainsi à cause de son accent. Un vrai cow-boy, le long chapeau vissé sur les oreilles, les chaussures pointues, les armes prêtes à l’emploi. Tout le monde le craignait sans vraiment savoir pourquoi. Son regard peut-être, le mystère qui planait autour de lui. On racontait qu’il avait tué plus de mille hommes au cours de ses voyages, qu’il avait assassiné son propre frère. Il disparaissait pendant de longs mois, et chaque hiver, il débarquait sans prévenir, commandait trois bouteilles de whisky à la brave Betty, et s’installait sous le regard inquiet des clients pour fumer ses Malboro. Des ronds de fumées sortaient de sa bouche et allaient rejoindre l’esprit bouillonant de Billy, qui voyait en l’Irlandais un modèle à suivre. Une figure paternelle bien plus enrichissante que le triste père Lancaster. Mais jamais il n’avait osé lui parler, ni même l’approcher. Que lui aurait-il dit ? Si seulement il pouvait lui apprendre à monter sur un cheval sans se casser une jambe, à savoir viser droit… Si seulement il pouvait l’accompagner dans ces voyages interminables, au Mexique, en Californie, partout. Quelques mois avant son départ, l’Irlandais avait fait une dernière apparition remarqué au Central Hotel. Betty ne l’a pas oublié : « Comment l’oublier ? J’avais une peur bleue de ce type. Un vrai bandit, il effrayait les clients. Mais comme il ne crachait pas sur la bouteille et sur les jolies femmes, on le laissait entrer. Il remplissait la caisse et tout le monde était content. Dieu sait où ou il trouvait cet argent ? Je préfère ne pas le savoir… Et puis il a fait une dernière apparition, un soir d’hiver. Le bar était plein, les chambres complètes, les vagabonds venaient se réchauffer auprès du grand poêle de l’hôtel. Soudain, un vent froid glaça le sang des clients, et un homme entra sans prévenir, faisant claquer ses longues bottes sur le plancher du saloon. L’Irlandais. Jusque là, rien de nouveau. Je lui sers une série de whisky, personne ne l’approche, rien ne l’atteint. Et puis un autre type débarque au galop, saute de son cheval et accoure lui aussi au comptoir, revolver à la main. Il ne plaisante pas, me dit qu’il veut la caisse ou il me plombe la cervelle. Les autres ne s’interposent pas, mon oncle est occupé à l’étage, alors j’obéis. Aussitôt qu’il a l’argent, il déguerpit, la mine réjouie. L’Irlandais se lève, et sans lâcher son verre, interpelle le bandit. L’autre n’a même pas le temps de réagir, il se retrouve criblé de balles. Long silence. L’Irlandais range son arme, se rassoit, et finit son whisky sans s’occuper de l’agitation qui s’ensuit. Puis, il me lance quelques billets, me dit de garder la monnaie. Il enfile son chapeau et le voilà parti, prenant soin d’enjamber sa victime, encore chaude. Plus jamais venu dans le coin depuis ce soir là. » Voilà le récit de Betty, que j’ai rendu lisible pour vous, en l’appuyant sur d’autres témoignages. Si l’Irlandais a marqué les habitants d’Iron City, il a surtout agit comme un déclencheur sur Billy. Le jeune homme était là ce soir là, il a assisté au sort tragique de ce pauvre bandit. Il a discrètement suivi son héros à l’extérieur. L’Irlandais lui a lançé un regard complice avant de s’engouffrer dans l’obscurité. À ce moment précis, Billy savait qu’il devait le suivre. Qu’il allait partir et suivre sa trace. Devenir lui aussi un homme mystérieux, qui inspire la crainte et le respect. Qui vagabonde et n’a jamais d’autre compagnie que d’éphémères rencontres. D’autre toit que le ciel étoilé. Billy le savait désormais, il devait quitter Iron City.

La nuit qui suivit, il fit ses adieux à son vieux grenier poussiéreux, laissa un mot sur la cheminée pour remercier le généreux père Lancaster, et s’enfuit sans demander son reste. La Lune éclairait Iron City, paisible et endormie. Rien ne le retenait dans le coin. Aucun parent, aucun lendemain. L’avenir se trouvait derrière les montagnes, par-delà la rivière. Un dernier regard et le village des mineurs ne fut bien vite qu’un point à l’horizon.

Si vous étiez un jeune homme à cette époque, vous aviez sans le vouloir un pied dans l’Ancien et le Nouveau Monde, tellement les choses étaient en train de changer. Deux choix possible s’offraient à vous : se laisser porter par la vague ou faire partie de la vague. Comme Billy ne fait jamais rien comme tout le monde, il a décidé très tôt de fuir la vague, avant qu’elle ne le rattrape. Le bonheur est ailleurs, il en est certain. Peut-être retrouverait-il la trace de L’Irlandais. Le voilà donc parti pour un long voyage, embarqué dans ce train de marchandises, sans savoir qu’il ne reverra jamais plus Iron City.

Lundi 8 février 2010 à 0:00

Toujours la même rengaine. Oh, 2010, tu commences à me gaver. J'ai une grosse envie de claquer la porte. Je ne rejette pas la faute sur les autres, je ne me cherche pas d'excuses, mais franchement, ça va pas du tout. Grosse fatigue, coup de vieux, je sais pas. Il y a trop de choses, trop de choses, il y a trop de gens. Pas assez de temps. Je suis pas seul à être dans la merde, mais je suis tout seul dans ma merde. Des erreurs que j'ai faites, des choses que je contrôlent pas, et un mauvais pressentiment, comme si ça ne se terminera jamais. Des chaînes de tous les côtés, des obligations, des engagements et un tas de nuages à l'horizon. Alors parfois, je retrouve le sourire, je suis optimiste. Je pense à l'avenir, je me dis que de belles choses m'attendent, que je suis capable de m'accomplir, au final, plus tard, quand il fera beau, quand tout ira mieux, au printemps, l'été prochain, oh oui, tout ira mieux. Et puis la pluie retombe. Tout est gris. Des gens meurent autour de moi. Des gens ont des problèmes, et je suis impuissant. Je perds mon temps et j'accumule un gros tas de merde dans un coin de mon esprit. Alors j'écris, j'écris. Et ce doit être fatiguant pour vous de lire tout ça, comme si vous tombiez par hasard sur le journal intime d'une adolescente qui se plaint tout le temps. Veuillez me pardonner. 

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Dimanche soir. Je me repose. C'est devenu tellement rare ces moments de calme, où je peux écrire, et projeter ma mélancolie dans de jolies chansons, triste comme il faut, pleines de larmes et d'histoires tragiques. Ma période Dylan et rien que Dylan s'est achevé pour le moment, elle reviendra. Pour le moment, je découvre, je reviens à d'autres vieux compagnons. Mick Jagger et sa clique sont de la partie ce soir, et je me réecoute toutes leurs ballades, leurs slows, de "As Tear Goes By" à "Wild Horses", en passant par quelques perles dissumulés sur leur album les plus médiocres, comme ce "Memory Motel" long de sept minutes, ou la dégoulinante "Till the Next Goodbye". Karen Dalton regarde timidement le spectacle, Tom Rush chatouille sa guitare dans un coin de la pièce, tandis que Phil Ochs fixe le ciel à travers la fenêtre. Tout le monde est venu me réconforter, ça fait chaud au coeur. Mais demain, ils ont auront tous disparu et il faudra recommencer, se forcer, affronter le froid et la pluie, trouver le courage, remettre à plus tard, la joie, la légereté, le bonheur. 

Bonne nuit. 

Vendredi 5 février 2010 à 21:07

Insomnies. 
Un mois que ça m'a pris. 
De la musique de nuit. 
Des berçeuses, en voilà. 
Suite à une commande de Jeanne, une nouvelle fois. 
Treize chansons pas soporifiques mais tellement douces, tendres et apaisés.
Treize chansons qui vous améneront paisiblement dans les bras de Morphée. 
Bonne nuit. 

1) Oh! Sweet Nothing (The Velvet Underground)
2) Don't You Cry (Richard Hawley)
3) When It's Sleepy Time Down South (Louis Armstrong)
4) Lullaby (Loudon Wainwright III)
5) A Song for You (Gram Parsons)
6) Asleep On a Sixpence (Isobel Campbell & Mark Lanegan)
7) Blue Moon (Elvis Presley)
8) Goodbye (Archive)
9) Snowy (Josh Rouse)
10) Bad Dreams (Damien Jurado)
11) For the Night (Herman Düne)
12) The Rollercoaster Ride (Belle & Sebastian)
13) Good Night (The Beatles)

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Jeudi 4 février 2010 à 16:43

Février, et le soleil serait presque de retour. 
Oh, je me contente de peu.
Je positivise, j'évite la rechute.
Hier, j'ai reçu les résultats de mes examens. 
J'ai demandé à ma prof titulaire combien j'avais de points à rattraper. 
Elle m'a répondu que c'était "incalculable". 
J'avais presque envie de rire. 

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Avoir un job d'étudiant c'est bien.
Surtout dans un lycée où tu surveilles des récréations et des devoirs, en jouant les grands frères. 
Avec mon argent de poche, j'ai pu acheter quelques CD. 
Dans les bacs à soldes de la Fnac, j'ai trouvé un best of de Leonard Cohen, "Closer" de Joy Division, "Village Green" des Kinks et le live à St Quentin de Johnny Cash. Ca m'a redonné le sourire. Et avec la monnaie, j'ai eu un pain au chocolat et un bon stock de cigarettes. 
Travailler plus pour fumer plus. Et pour écouter de la jolie musique. 

Tiens, en parlant de musique, j'ai encore une playlist à vous proposer. Deux à vrai dire. Ca faisait longtemps, non ?
Ce sont des commandes de Jeanne, dont l'excellent blog est toujours dans ma boite à liens, à droite de votre écran. 
La première, elle sera consacrée au cinéma. La seconde, à mes plus belles berçeuses (et ce sera pour l'article suivant). 

Ma playlist comme au cinéma donc.
Douze chansons extraites de bande originale, dix chansons qui rythment mes films favoris. 
Commentés à la hâte avec le plus grand soin, vous vous en doutez. 
De Wes Anderson à Michel Gondry, en passant par Sam Peckinpah. 
Tout ou presque est trouvable sur Spotify et ça vous économisera une place de ciné. 
Sinon, jetez vous sur le dernier film des frères Cohen, et ne manquez pas "Fantastic Mr.Fox" le 14 février !

Une playslit comme un film sorti de mon esprit. 
Avec tout les clichés du genre, avec de la poésie digne de Florent Pagny.
Imaginez. 

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1) "Main Title Theme Billy" (Bob Dylan)
Bande originale de "Pat Garret & Billy the Kid", un film de Sam Peckinpah (1973)
Ouverture en fondu. Plan d'ensemble sur des plaines ensoleillés, au Mexique. 
Doux accords de guitare, un léger vent dans les cheveux du cowboy, qui erre dans le désert. 
Poursuivi le bandit. Qui fuit. À la recherche de senoritas et de jours meilleurs, sous le soleil d'El Paso. 

2) These Days (Nico)
Bande originale de "The Royal Tenenbaums"  un film de Wes Anderson (2001)
Elle sort du cinéma, il neige. 
Elle avait besoin de se changer les idées. 
C'est que rien ne va plus ces jours-ci. 
C'est qu'elle est fragile, Margot. 
Le coeur brisé, les yeux encore tout éblouis, elle monte dans un taxi.
Et s'enfuit, elle aussi. Comme Billy. 
C'est vraiment pas son jour, aujourd'hui.

3) Yegelle Tezeta (Mulatu Astatke)
Bande originale de "Broken Flowers" un film de Jim Jarmusch (2005)
La nuit tombe. Et les rues de New York se réveillent.
Margot est à l'abri, à l'intérieur du taxi. 
Pourtant elle a peur, peur de tous ces gens autour qui s'agitent. 
Dans sa vie, dans le taxi, tout va trop vite. 
Les passants passent, et Margot s'ennuie. 
Elle soupire, et regarde la vie défiler. 
À travers la vitre du taxi. 

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4) Us (Regina Specktor) 
Bande originale de "500 Days of Summer" un film de Marc Webb (2009)
Margot, le taxi, la nuit.  
Elle fuit, elle cherche l'oubli.
Mais tout ce à quoi elle pense, c'est lui. 
Charlie. 
Elle et lui. 
Elle repense à leurs nuits. 
Elle repense à leur histoire. 
Charlie lui fait broyer du noir. 
Elle repense à ces comédies romantiques qu'ils regardaient enlacés. 
Elle repense à l'été dernier. 
Margot, le taxi, la nuit. 
Et les souvenirs de Charlie. 
Sous la neige, ensevelis. 

5) Queen Bitch (David Bowie)
Bande originale de "The Life Aquatic" un film de Wes Anderson (2004)
Elle sort du taxi. 
Elle crie. 
J'emmerde la neige. 
J'emmerde la nuit, j'emmerde Charlie. 
Elle entre dans un club et commande un whisky. 
Boit. Danse. Boit. 
Elle flirte avec un type. 
Elle monte sur une table. 
Elle boit, elle danse, elle boit. 
Elle s'agite. 
Ivre. 

6) Stéphane Visite Appart' / Rêve Patrick Dewaere (Jean-Michel Bernard)
Bande originale de "La Science des Rêves" un film de Michel Gondry (2006)
Mauvais rêves, mauvaise nuit.
Je me réveille, je ne sais plus qui je suis. 
Je ne sais pas où je suis, je suis loin de lui. 
Mauvais rêves, nuit sans étoiles. 
Le soleil passe à travers des rideaux de voiles. 
Ce n'est qu'un cauchemar.
Il faut trouver la porte, et sortir.

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7) Guitar Solo #1 / Organ Solo (Neil Young)
Bande originale de "Dead Man", un film de Jim Jarmusch (1995)
Fuir la ville, pour de bon. 
Monter dans le premier train. 
Traverser la campagne.
Courir. 
Margot, les jambes à son cou.
Qui échoue dans un bois paisible. 
S'allonge sur l'herbe. 
Et pleure.

8) The Heart Asks Pleasure First/The Promise (Michael Nyman)
Bande originale de "La Leçon de Piano" un film de Jane Campion (1993)
Elle pleure. 
Dans l'herbe. 
Elle pleure, Margot.

9) Theme / Elephant Parade (Jon Brion)
Bande originale d'"Eternal Sunshine of the Spotless Mind" un film de Michel Gondry (2004)
Le soleil à travers les arbres. 
La rosée sur l'herbe. 
La forêt qui s'anime.
Margot se lève. 
Margot sourit. 
Le printemps est revenu. 
Peut-être que lui aussi.

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10) Ashley / Leaving Home (Yo La Tengo)
Bande originale d'"Old Joy" un film de Kelly Reichardt (2006)
Une fin d'après-midi.
Près de Charlie.
Il est chez lui. 
Margot approche, elle sourit.
Il semble heureux.
Charlie est heureux.

11) Lullaby (Loudon Wainwright) / Street Hassle (Lou Reed)
Bande originale de "The Squid & The Whale" de Noah Baumbach (2005)
Charlie.
Margot sourit.
Et si ?
Dans ses bras.
Avec lui, pour la vie. 
Et si ?
Margot sourit.
Charlie.
 
12) Old Friends / Bookends (Simon & Garfunkel)
Bande originale de ma vie
Et puis... 
Non, tout est fini. 
Charlie est heureux.
C'était bien tout les deux. 
Mais c'est fini. 
Margot sourit. 
Tout ira bien. 
Elle s'en va, elle connaît le chemin.
Son visage est serein. 
Tout ira bien, tout va bien. 

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Voilà, c'était mon drame romantique en musique, fleur bleu, délicieux. 
J'aurais pu remplacer toutes ces chansons par l'intégralité de l'album "The First Day of Spring" de Noah & The Whale.
Cela dit. 

Pour d'autres délires mélodramatiques, je vous conseille mon groupe, les Dooshbags. 
Avec Romain, mon guitariste talentueux, on a gravé une poignée de conneries sur un magnéto.
Et ça donne ça :
http://www.myspace.com/thedooshbags

Ah oui et j'ai eu un beau carnet où je pourrais noter plein de choses dessus. Et faire des dessins. Merci ! 
Je repasserais vous dire bonne nuit les amis...

Dimanche 31 janvier 2010 à 22:22

Desire.
Objectivement, c’est un bon album.
Moi, j’aime dire que c’est un grand Dylan.
Objectivement, il est inégal.
Moi, je le trouve parfait.
Pas facile de l’évoquer.
Va falloir que je vous parle de moi.
Et que j’aille puiser dans mes souvenirs.

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Je reprends l’histoire là où je l’avais laissé.
« No Direction Home », la découverte.
La Bretagne, « Highway 61 Revisited ».
Et puis à la rentrée, je vais prêcher la bonne parole à mes amis.
C’est là que commence la manie que j’ai à tout rapporter à Dylan.
Par chance, l’un d’entre eux semble plutôt intéressé. Il me dit ne pas connaitre grand-chose au Zim, mais que ses parents possèdent un disque qui l’a toujours envouté : « Desire ».
Tiens, connais pas. Moi je me suis arrêté à 1966. À l’accident de moto. Il y a une vie après « Blonde On Blonde ». Généreux, ce pote accepte de me prêter l’album.
Qui va m’accompagner pendant un week-end de septembre. Et ne plus jamais me lâcher.
Bon je lui ai rendu, mais j’ai aussitôt acheté le CD.

Avant de découvrir les merveilles du Dylan seventies, je suis resté bloqué sur « Desire », pendant de longs mois, ne pouvant me séparer de mon trésor.
Je suis tombé amoureux du Dylan gitan, de cette période sombre, où en plein divorce il noyait son chagrin dans l’alcool, de cette tournée colorée où il se peignait la gueule en blanc. Réunissait une joyeuse troupe et animait son cirque ambulant avec fureur.
Si « Desire » est si particulier, c’est qu’il dégage une atmosphère unique dans la discographie de Dylan. On y trouve des violons, des plumes, de drôle de chapeaux, des parfums nouveaux, de l’encens, et le roi des gitans qui trône fièrement sur l’étrange pochette.

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« Hurricane » donne le ton. Des violons trouvent un chemin dans l’obscurité, tourbillonnent doucement puis accélèrent, bientôt rejoint par la batterie et par une avalanche de mots. Dylan revisite l’histoire de Rubin Carter, injustement mis sous les barreaux, il nous balance une protest-song d’un nouveau genre, longue de huit minutes, qui déroulent les faits, pointe du doigt les faiblesses de la loi, il donne vie à une galerie de protagonistes dont les noms résonnent, et signe la plus entêtante de ses compositions, un nouveau classique, sincère ou pas, on s’en fout, l’important n’est pas là. Puisqu’on est envouté, on entre dans le chapiteau, on est le bienvenue chez les gitans.

« Isis » frappe encore plus fort, et le phrasé de Dylan fait des merveilles sur cette histoire de mariage gitan, de déesse égyptienne, encore un long morceau qui titube sans jamais tomber, sans jamais lasser. Une chanson d’amour fantasmée, une ritournelle enfumée. Qui se termine par un voyage au « Mozambique » plein d’exotisme et de douceur, oh que j’aime la batterie sur cet album !

Puis vient le duo « One More Cup of Coffee/Oh Sister ». Je dis le duo car il m’est impossible de les savourer séparément. Deux complaintes qui me font trembler. Elles sont belles à pleurer. La première, avec son intro qui nous propulse au sommet d’une colline, qui nous prend dans la main et nous fait entrer dans la cabane d’une belle gitane. Son père est un hors la loi, sa sœur voit le futur, et on ne peut plus la quitter cette femme mystérieuse, qui fait brûler de l’encens et agite ses colliers, ses perles. Les violons ont cessés de tourbillonner, ils se font l’écho d’une profonde mélancolie. On suit la belle gitane sur la plage et l’on marche au bord des vagues. « Oh Sister » nous emporte, nous ferait presque croire en Dieu, allumer un cierge dans le sable et faire l’amour au crépuscule, bercé par l’océan.

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Sur cette même plage, au coin du feu, la communauté est réunie pour entendre l’histoire de Joey, le bandit. Qui a ouvert les yeux au son d’un accordéon. Qui est en vrai une ordure de la pire espèce mais qui se transforme ici en antihéros attachant. Onze minutes emplies de lyrisme, où la voix de Dylan mêlée à la batterie est une fois de plus hypnotisante. Et tout le monde reprend en chœur le nom du roi des rues, de l’enfant d’argile, alors qu’un doux soleil se lève à l’horizon.

On retrouve alors la belle gitane et on lui fait la cour. Sur un air de tango, « Romance in Durango ». Les chevaux dansent sur la plage, sa robe ondule sous le soleil ardent, et on la suit jusqu’au Mexique, aveuglé par tant de beauté. Elle se cache derrière les ruines Aztèques, elle fait sonner les cloches du village et elle s’enfuit dans le désert. On est perdu, quelque part en Amérique Latine, la guitare en bandoulière, un gitan solitaire. Au loin, la batterie résonne, en sourdine, puis monte crescendo et l’on monte à cheval, pour partir à sa recherche. Un voyage épique, où l’on traverse les Alpes, la Méditerranée, pour atterrir en Grèce et s’échouer sur une plage abandonnée. Loin de la communauté, loin de chez soi, loin d’elle. Le feu est éteint, il ne reste plus qu’une sombre fumée. Et l’on pleure, sous la lune de « Black Diamond Bay ».

Allongé sur une dune, ivre, bouleversé, en larmes. Tu es seul, maintenant, comment tu te sens ? Tapes du poing dans le sable, hurles son nom à la Lune. Un violon t’accompagne, enveloppe ta douleur. Tu gueules son nom, tu es bouffé par les regrets, tu es une épave qui gît sur le rivage. « Sara », ne me quitte jamais, ne t’en va pas. Le roi des gitans meurt dans un océan de désespoir, noyé dans ses souvenirs.

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Et l’album se termine. Je l’aurais écouté partout, mais rien n’égalera ces moments passé à la campagne, sous la canicule, à le passer en boucle, assis dans l’herbe, tirant des bouffés de joins, seul, le cœur brisé. Les cigarettes qu’on a fumées brûlent encore quelque part dans cet album, mes souvenirs sont vivants et se cachent dans cet album, prêt à resurgir derrière les violons. De toutes les périodes de Dylan, la parenthèse gitane est la plus envoutante. Et « Desire » figure dans mon classement des intouchables, au même rang que la trilogie acoustique, que la trilogie électrique, que « Nashville Skyline » et « Blood on the Tracks ».
C’est un monstre de désespoir boursouflé, grandiloquent, et traversé par une douce folie.
Je ne m’en séparerais jamais.
 

Dimanche 31 janvier 2010 à 20:55

Rien de mieux qu'un peu de neige et une galette frangipane pour me remonter le moral, un dimanche soir hivernale. 
Et puis ce blog, qu'il faut bien entretenir. 
Merci pour vos propositions, je récapitule : Arcade Fire, Tom Waits et les bouquins. Des thèmes sympathiques, j'en prends note. 
Laissez moi cogitez un peu. Je préfère juste vous prévenir : Dylan passe avant tout et j'ai encore quelques albums à chroniquer. 
Une obsession, faut s'en occuper, faut la chérir, sinon ça fâne. Alors vous allez en bouffez encore un peu du Bob, les amis !

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Bon, je prends pas la parole pour rien non plus. Car voici une liste de liens, allez y faire un tour, je suis de bon conseil.
La plupart d'entre eux sont déjà dans ma boite à liens, à droite de l'écran. 

Alors, on commence par une vieille connaissance, un fantôme qui hante la blogosphère depuis un moment déjà. 
Chloé a peut-être disparu pour le moment, mais son vomi est resté collé aux pages de son blog hypnotisant. 
Je lui passe le bonjour, j'espère qu'elle traine toujours dans le coin.
http://walkoverlondon.cowblog.fr/

Un (vieux) monsieur avec une mémoire et un coeur gros comme ça. 
Qui ouvre les portes de sa discothèques et de ses états d'âmes à tous les égarés. 
Je suis tombé dessus par hasard et j'ai trouvé de la pure mélancolie, et tout un tas de découvertes.
Et surtout, une bien belle plume.
http://kmskma.free.fr/

En plus de partager le même design, LondonDay et moi avons plein de points communs. 
Un blog pour ceux qui aiment les bons mots, les coups de gueule et la poésie.
http://londonday.cowblog.fr/

Jeanne, c'est quelqu'un de bien. 
Quelqu'un qui écrit bien et qui surtout, ne se prend pas au sérieux.
Du coup on rigole bien sur son blog, mais c'est pas tout.
Non, il y a aussi un design fabuleux, des chatons rigolos, des odes à Keats et des conneries sur la vie étudiante.
Jeanne, elle étudie à Angers et elle tient mon blog favori. 
http://takeyouonacruise.cowblog.fr/

C'est toujours avec joie que je découvre les doux commentaires de Pelote.
Pelote qui tient un blog attachant et qui est sympa comme tout.
De la poésie aussi, et surtout, un univers dont ne sort pas indemne.
Je vous aurais prévenu...
http://peloton.cowblog.fr/

K., un ami qui dessine. 
Toujours un plaisir de se perdre dans sa galerie de l'absurde.
Vous en ressortirez avec des étincelles dans les yeux.
http://arvagna.blogspot.com/

Et pour finir, une nouvelle venue. 
Mon double féminin. 
Qui a surgi sur mon blog pas plus tard qu'aujourd'hui !
Et qui aime Dylan presque autant que moi !
Je sens qu'on la reverra dans le coin...
En attendant, allez dégustez son blog.
Parfait.
http://cocaine-blues.cowblog.fr/

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Ne me remerciez pas, écrivez plus. 
Allez, j'en profite pour vous refourguez mes jolis photos de Dylan. 
Et je retourne l'écouter et vous préparer de nouvelles chroniques. 
On ne me changera pas...

Dimanche 31 janvier 2010 à 17:48

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C'est l'hiver 68 et il fait froid. On cicatrise, on se fait tout petit. Un chapeau visé sur la tête, une vie bien rangée avec femmes et enfants à la campagne. Le monde peut s'écrouler tout autour, peu importe, laissons aux autres le soin de ranger ce grand bordel à coups de rock'n roll et de psychédélisme complaisant. Car ici, tout est calme et on s'ennuie. Qu'est ce que ça fait du bien de s'ennuyez après des années de dur labeur, de tournées sans fin, la drogue comme seul refuge. Maintenant, place à la désintoxication. Et pour décrocher, rien de mieux qu'une bande de potes, une vie simple et reculée, et puis bien sûr, de la musique.

Alors pour s'abriter du froid, pour faire passer le temps et s'isoler d'un monde qui devient fou, on se retrouve dans la cave avec une joyeuse bande de musiciens, quelques bouteilles, des chansons qui parlent de tout et de rien. On rigole, on ne se prend pas au sérieux et on enregistre tout ce qui passe par la tête. Des personnages prennent vie, un grand carnaval prend forme dans les souterrains de la maison rose. L'orchestre titube, fanfaronne et on l'entend à peine résonner dans les bois de Woodstock. C'est tour à tour dépouillé, chaleureux, bluesy, plus authentique que jamais. Plus de 150 ritournelles sont gravés sur un vieux magnéto, 150 chansons où l'on revisite le Nouveau Testament, les légendes de l'Ouest, où l'on parcoure l'Amérique et ses fantômes, jusqu'au Mexique. "Going to Acapulco", "Tears of Rage", "You Ain't Goin' Nowhere", "This Wheel's On Fire"... Une œuvre étourdissante, un bâteau ivre qui ne chavire à aucun moment.

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Il y a de la magie dans l'air, un aspect mythique dans ce rocambolesque témoignage improvisé, dans ces "Basement Tapes" qui n'appartiennent à personne, qui sont d'un autre temps. Et qui ramène les pieds sur terre une bonne partie de la scène musical, qui s'égare. Un secret bien gardé qui ne verra officiellement le jour que la décennie suivante, mais qui restera à jamais le plus beau des mystères. Dylan et le Band frappent une nouvelle fois, et rien n'avait jamais sonné de cette manière.

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