Pas de révolution à signaler dans la musique d'Andrew Bird, il fait ce qu'il sait faire, et il le fait très bien. C'est aussi un peu le problème, l'aspect répétitif. Certains chansons sont tellement longues ("Souverian", et "Masterswarn" approchent les sept minutes) qu'on perd un peu notre souffle, qu'on patine un peu dans la semoule arrivé au milieu de la galette. Mais il faut s'accrocher et ne jamais baisser les bras, parce qu'une trouvaille nous attend à chaque fois qu'on ne s'y attend pas. Un exemple, "Effigy" qui se transforme sans prévenir et prend des allures de western enchanteur, en compagnie de la toujours bienvenue Lucinda Williams.
Tout Andrew Bird est là. Les débuts instrumentaux avec des arrangements soignés, l'aspect plus folk-pop (la délicieuse comptine "Natural Disaster", le délicat et entêtant single "Oh No"). Des textes à la poésie renversante, aussi improbables que "The seemingly innocuous plecostomus plecostomus though posthumous" sur la chanson "Anonanimal". Plus loin, "The Confession", datant de la belle époque des Bowls of Fire est entièrement revisité sur "The Privateers", démontrant avec subtilité l'évolution de l'artiste. Un parcours sans faute, c'en est étourdissant (écoutez "The Souverian" parfaite de bout en bout, à la limite du surnaturel). Mes deux coups de cœur : la magnifique "Tenuousness" et "Fitz And The Dizzyspells". Entraînante, une perle. Je ne m'en lasse pas.
On pourrait se demander "rien de nouveau à l'ouest" ? M.Bird réussit pourtant à nous surprendre en insufflant un souffle nouveau dans certaines de ses compositions, comme ce "Not A Robot, But A Ghost", qui ressemble à s'y méprendre à du Radiohead (et oui !), comme s'il s'appropriait les tics de chant de Thom Yorke. Y a de l'électricité dans l'air, la formule change et ça fonctionne. "Masterswarn", malgré sa longueur, est un nouveau morceau de bravoure, génialement construit, avec des clappements de main auxquels on ne peut résister. "Nomenclature" m'agaçait au départ avec son côté pompeux et surfait, mais son final lui donne une ampleur insoupçonnée. Il y a de la magie chez Andrew Bird, et ses sifflements angéliques, et une véritable atmosphère s'installe avec une multitude de transitions, de petits trésors déposés soigneusement sur le chemin. Rien que le triptyque "Oh No", "Ouo" et "On Ho" m'a amusé.
Noble Beast est un pot-pourri de la diversité de son talent, mais est moins cohérent que l'album précédent, trop ankylosé, il demande plus de concentration, un plus grand nombre d'écoutes. Cela dit, je suis sûr qu'il va dévoiler toute son ampleur au fil du temps, et que les chansons auront de la gueule en live. Parce qu'Andrew, c'est génial en live. Avec tous ses instruments, il a la classe ce type. Humble et sincère, généreux avec son public. Il nous gratifie d'une édition limitée avec un CD bonus réunissant des compositions instrumentales, aux sonorités proches des débuts. Pas indispensable, un peu trop experimental parfois, mais des merveilles comme "Carrion Suite" ou "You Woke Me Up !" font du bien aux oreilles.
Je suis peut-être passé à côté de pas mal de choses mais tout cela est tellement vaste. Je vous l'accorde, ma chronique est un peu laborieuse, mais j'avoue que l'écoute le fut également. Mais putain ça valait le coup. Noble Beast est imposant, un peu dur à escalader, mais quand on arrive aux sommets de l'album, c'est l'extase. J'en ai encore des frissons...